Dessous sa peau de lys, ses vices se glissent [pv Eleonore :333]

C'

était donc bien vrai. On entrait et sortait d'ici comme dans un moulin. A présent que la barrière avait été détruite, il semblait que l'accès des Féeriens au territoire était en libre service, et Guiti ne le supportait pas. C'était le même scénario qu'à l'époque, ainsi que ses parents le lui avaient raconté avant que les protagonistes mêmes de leur histoire ne les attaquent pernicieusement et ne les privent de vie. D'abord un bateau, puis deux, puis trois. Ensuite ce serait l'invasion, puis la guerre. Guiti n'acceptait pas de vivre ça, de revivre ça. Il en était tout simplement hors de question.

Elle allait trop vite en besogne, diraient certains, il y avait fort à parier que le sultan préparait ses armées et savait ce qu'il faisait. Mais Guiti n'avait pas confiance dans le sultan.... elle n'avait confiance en personne ou presque. En personne sauf en Sin. Alors elle se méfiait. Elle s'inquiétait de la suite, et elle comptait bien y mettre son grain de sel. Parce qu'elle savait qu'elle avait le pouvoir de faire une différence, et non des moindres. Elle savait que ses pouvoirs étaient une bénédiction, qu'elle devait en faire usage pour le plus grand bien, pour le bien de son peuple. Et elle comptait bien mettre ces justes principes en application, et le plus tôt serait définitivement le mieux.

Quand elle avait entendu qu'un bateau suspect, sans doute féerien, mouillait sur le port de Sundara Homa, elle avait voulu y voir de plus près et en avoir le coeur net. Elle avait constaté, en approchant le navire, que celui-ci était vide. Elle en profita pour monter à l'intérieur. Elle recherchait un indice, quelque chose, n'importe quoi qui lui permette de juger de l'identité et des intentions des intrus, même si elle ne pouvait pas du tout douter du fait que les intentions en question étaient on ne peut plus néfastes.

Guiti ne trouva rien dans le navire. Aucun objet personnel, aucun indice. Ces Féeriens étaient des plaies, mais ils n'étaient pas bêtes, ils n'étaient pas bêtes du tout, même... C'était bien le soucis. Ils étaient suffisamment vicieux pour s'insinuer dans leur monde sans laisser la moindre trace, à la manière de satanés parasites. Elle s'apprêtait à sortir, se servir d'un sortilège, peut-être, pour remonter la trace des Féeriens qui avaient été à bord de ce navire, mais ce n'était pas nécessaire du tout.

Car elle entendit du mouvement elle se rapprocha doucement et découvrit une jeune femme blonde comme les blés, pâle comme un linge. Aucun doute, la jeune femme était une Féerienne pur jus, il n'existait aucun profil tel que le sien parmi les natifs de ce côté de l'océan.

-Ne bouge plus, se manifesta Guiti d'un ton directif. Ne bouge plus ou c'est la dernière chose que tu feras.

A

u moins la Féerienne semblait-elle docile et conciliante. Ce n'était pas suffisant pour excuser sa présence et même son existence, mais c'était déjà assez. Elle avait rencontré beaucoup d'humains de son espace, qui étaient d'une stupidité confondante, frondeurs et convaincu que le monde dans son ensemble leur appartenait. Elle n'avait pas tardé à leur donner la leçon qu'ils méritaient. En l'occurrence, la jeune femme semblait vouloir obéir, elle s'était figée et n'esquissait plus aucun mouvement. Elle avait bien fait. Les menaces de la sorcière n'étaient jamais des menaces en l'air. Quiconque la connaissait un tant soit peu ne pouvait pas avoir l'ombre d'un doute à ce sujet. Elle jaugea la jeune femme de haut en bas, de bas en haut, et un sourire un rien cynique décora ses lèvres quand elle affirma qu'elle voulait juste rentrer chez elle. Ben voyons, maintenant qu'elle avait fait son petit repérage tranquillement, elle s'octroyait le droit de repartir comme elle était venu. Comme si on pouvait aller et venir en leurs terres sans s'en justifier.

-Au moins, sur ce point, nous voulons la même chose, répliqua Guiti d'un ton bien trop hostile pour qu'on puisse avoir le moindre doute quant à l'animosité profonde que lui inspirait cette jeune femme.

Oui, la jeune femme avait bien l'intention de voir son interlocutrice partir, mais certainement pas avant de savoir ce qu'elle était venue faire ici et quelles étaient ses intentions. Que cela lui plaise ou non, peu importe, l'essentiel était de savoir à quoi s'en tenir. Ce qui était en train de se tramer ici ne lui plaisait pas du tout, il était important à ses yeux d'y prendre une part active. Certes, Guiti estimait que le mouvement inhabituel et l'abattement de la barrière aurait au moins le mérite de laisser à son royaume la possibilité de prendre sa revanche, mais en attendant que ce soit le cas, il fallait être vigilant, constamment sur ses gardes, et ne jamais rien laisser passer.

-Comment tu t'appelles ? Qu'est-ce que tu es venue faire ici ? Tu es seule ?

Oui, c'était un véritable interrogatoire qu'elle faisait passer à la jeune Féerienne, et encore, elle ne lui posait que le dixième des questions qu'elle avait à l'esprit. La jeune femme avait bien l'intention de ne pas s'arrêter en si bon chemin, elle comptait bien tirer de cette jeune femme toutes les informations qui lui seraient nécessaires. Elle semblait bien innocente. Toute jeune avec son teint de porcelaine et sa longue chevelure blonde, mais Guiti n'avait pas la moindre intention de s'y laisser prendre, quoi qu'il puisse advenir. La jeune femme ne voulait prendre aucun risque. Si quelqu'un était bien placée pour savoir que les apparences pouvaient être sacrément trompeuses, c'était définitivement elle.

G

uiti fronça les sourcils quand son interlocutrice affirma qu'elle était venue seule. Ce n'était pas chose impossible en soi, d'autres avant elle avaient fait le chemin d'un côté à l'autre de l'océan par leurs propres moyens, mais cela restait tout de même suspect à ses yeux, à plus forte raison que cette femme n'était pas le moins du monde à l'image de ce qu'elle se ferait d'une femme débrouillarde, capable de traverser tout un océan par ses propres moyens... et dans quel but, exactement ? C'était une question dont elle n'était pas totalement certaine d'entendre la réponse. Ou à tout le moins la seule réponse acceptable.

-"Rendre visite" ? répéta Guiti, attérée. "Rendre visite" ! Je vous préviens, mademoiselle, je déteste qu'on me mente, et je déteste encore plus qu'on le fasse si effrontément, en somme, qu'on se moque de moi.

Car très clairement, la jeune femme estimait que son interlocutrice, en cet instant, se fichait royalement d'elle. Les gens n'allaient et venaient pas de ce côté de l'océan pour rendre des visites ou faire du tourisme, et dans le cas de son interlocutrice, c'était d'autant plus suspect qu'elle était particulièrement jeune, beaucoup trop jeune pour être né avant la barrière, alors qui pourrait-elle bien vouloir aller voir ici ? Non, cette excuse ne tenait pas le moins du monde, et elle irritait très sincèrement la sorcière, dont la patience, pour commencer, n'avait absolument rien de proverbiale.

-Je n'ai aucune intention de vous laisser partir, certainement pas tant que vous ne m'aurez pas donné les vraies raisons de ta présence ici.

Elle était vraiment agacée de cette situation, de ce qu'elle estimait être une véritable perte de temps. Non, cette femme ne se jouerait pas d'elle bien longtemps, Guiti ne la laisserait pas faire, un point c'est tout, il n'en était tout simplement pas question.

-Qui étiez-vous venu voir ?

Elle devait bien avoir conscience de cela : ce n'était pas elle qui tenait les rennes de la conversation, ce n'était pas elle qui décidait de comment les choses allaient se passer à présent. Elle avait le contrôle, et on ne lui refusait rien. Dans le cas contraire, elle n'hésiterait pas à faire preuve de ses pouvoirs dans les pires proportions possibles. Et pour cause. Sa haine des Féeriens se cristallisait clairement chez cette jeune femme qui semblait bien innocente, mais devait sans doute ne pas l'être comme ça contrairement à ce qu'elle pouvait bien prétendre. Alors oui, si cette Eleonore devait servir d'exemple à tous les Féeriens qui osaient bouleverser leur tranquillité, alors très bien, elle n'hésiterait pas, ne serait-ce qu'une fraction de seconde. Elle se voyait déjà exposer sa tête à l'entrée de sa maison, voilà qui serait du plus bel effet... mais Sin n'apprécierait sans doute pas.