Qui fait ce que son père n'a pas fait verra ce que son père n'a pas vu. (papa d'amour <3)

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wendall se contenta de hocher la tête quand sa fille profita de sa réponse pour observer que le règne d'Edgar n'était pas beaucoup plus glorieux. Bien sûr, c'était la vérité, et il n'irait pas prétendre le contraire. Il l'aurait sans doute fait autrefois, parce qu'il observait les bienfaits qu'avaient apporté les Basiel à Féerie sans avoir à en supporter les conséquences, mais ce n'était plus le cas aujourd'hui. Malgré tout, décider de faire soudainement de Dorian Lydre un roi héroïque sous le prétexte que son successeur était un homme odieux, ce serait tout de même nier l'histoire, et l'histoire voulait que l'ancien roi de Féerie n'avait pas été à la hauteur des tâches qui lui avaient été confiées.

Enfin, dans tous les cas, ça ne changeait plus grand-chose, à ce stade. quoi qu'il en soit, ils en étaient là auujourd'hui, et ressasser le passé n'allait pas influer l'avenir. Bien sûr, certaines situations étaient similaires mais beaucoup trop de variables avaient évolué pour que le tout puisse réellement être comparable. C'était une bonne chose, de ne pas enterrer le passé, il s'en rendait bien compte, à présent, mais pour le moment, l'objectif devait être de regarder devant, de réussir à se faire de l'avenir une vision appropriée et d'agir en conséquence. C'était le futur qui devait leur importer, même s'il doutait de plus en plus du futur qu'il pourrait être éventuellement capable d'offrir à Anna et Eleonore, en dépit de sa volonté et de ses affaires. Et la question très concrète que sa fille lui posait était de celles qu'il se posait lui-même. Sans trop savoir encore quelle réponse y apporter. Oh, il se doutait un peu de comment les choses allaient se dérouler, mais tant que tout ne serait que suggestions, suppositions, alors rien n'évoluerait vraiment. Il détestait ce sentiment de latence, cette incapacité à se projeter, mais c'était tout ce à quoi il avait droit pour le moment. Malgré tout, il avait l'intelligence et la lucidité de savoir à peu près de quelle façon les choses allaient se passer pour lui.

-Eh bien, je suppose que, puisque Féerie devra compter sur tous ses effectifs disponibles, on m'enverra au combat, répondit-il sans enthousiasme.

Il n'en avait aucune envien, mais difficile d'imaginer que les choses se passent autrement. Il était un homme, il avait encore la force et le souffle de se battre, alors il serait sans doute choisi parmi ceux que l'on enverrait au front, se placer face à l'ennemi.

-A moins que l'on choisisse de compter sur moi pour ravitailler les Féeriens en temps de guerre.

Ce qui était une possibilité, mais Abygaëlle pourrait tout aussi bien prendre le relais à son absence. Autant dire qu'il n'y comptait pas vraiment.

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wendall se doutait de ce que serait la réaction de sa fille en entendant sa réponse, et il ne s'y était pas trompé. Elle avait changé, beaucoup, mais il avait aussi appris à la connaître telle qu'elle était à présent, et il ne connaissait dorénavant plus qu'elle, l'Eleonore rebelle, prête à se battre pour ce qu'elle estimait être juste, capable de soulever des montagnes pour le bien commun... et il aimait la voir ainsi. Il aurait aimé que tant de rébellion ne l'anime pas, ainsi aurait-il pu la garder auprès d'elle, mais il appréciait qu'elle ait le tempérament nécessaire à la vie qu'elle avait décidé de mener. Il avait eu peur, au début, qu'elle soit la victime des circonstances et ne puisse rien y faire. Cette peur s'était évanouie pour de bon. Le risque était toujours présent, mais Eleonore avait la force de l'affronter.

Il aimait sa réaction, oui, car elle lui prouvait que la jeune femme avait fait du chemin, était devenue une adulte sûre d'elle et débrouillarde, et il aimait tout autant sentir dans son discours le souci qu'elle se faisait pour lui. Elle pourrait tout à fait le détester, il l'aurait entièrement mérité, et il serait loin de lui reprocher son attitude, mais elle cherchait encore à le protéger. Il appréciait, oui, mais il ne fuirait pas le combat pour autant. Comme beaucoup d'autres, il sentait qu'une guerre était en approche, et en ce qui le concernait, il n'avait pas l'intention de lui tourner le dos, pas par accès de bravoure, mais parce qu'il estimait que c'était, à ce jour, la seule chose à faire.

Gwendall devait se battre, pas parce qu'il en avait envie - c'était à peine, à ce stade, s'il tenait encore à défendre les couleurs de Féerie tant son roi l'avait déçu -, mais parce qu'il devait penser aux intérêts de ceux qui comptaient le plus pour elle. S'il s'amusait à jouer les déserteurs, qu'arriverait-il à Abygaëlle et Anna ? Il ne voulait l'envisager, il ne pouvait pas prendre ce risque. Non, il ferait ce qu'Edgar lui demanderait de faire. Ce serait bien sûr à contrecoeur, mais il le ferait néanmoins, et sans sourciller.

-Je ne peux pas déserter, Eleonore. Il lui adressa un fin sourire, teinté d'une légère tristesse. J'apprécie que tu te fasses du soucis pour moi, mais je ne peux pas faire ça, les répercussions sur ta mère et ta soeur seraient inimaginables.

Gwendall savait bien qu'à ce stade, Eleonore n'avait que peu de compassion pour les autres membres de sa famille, mais il voulait croire qu'elle pouvait quand même trouver en elle le fond d'affection nécessaire pour s'inquiéter de leur sort à elles aussi.

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wendall afficha un sourire légèrement amère quand Eleonore argua que sa mère et sa soeur étaient les mieux placées pour être laissées tranquilles. C'était une chose que le paysan avait déjà pu constater : l'opinion d'Eleonore était complètement biaisée, au point même de ne pas être capable de laisser le bénéfice du doute à sa famille, de ne pas comprendre que ce qui se jouait entre les murs du château n'était pas plus sûr que ce qui se tramait à l'extérieur. C'était sa haine et son ressentiment qui s'exprimaient à travers ses mots, et si Gwendall ne pouvait pas entièrement les lui reprocher (c'était au fond normal quand on considérait que la jeune femme avait vécu des événements horribles, et que sa propre famille avait joué un rôle dans l'enfer), il n'aimait pas la voir aussi obstiné dans une vision manichéenne des choses. Gwendall savait que, de son côté, il devrait peut-être cesser de vouloir voir le bien partout et prendre un parti plus direct, mais Eleonore, de son côté, gagnerait à élargir sa pensée, ce qui était sans doute chose impossible tant elle était et resterait sans doute influencée par cet homme, Nathaniel, que Gwendall appréciait de moins en moins.

Non, Anna et Abygaëlle n'étaient pas les mieux placées pour échapper à l'ire du roi. Bien au contraire, elles étaient dans sa ligne de mire directe. Au moindre faux pas, à la moindre erreur, c'était tous les Odien qui en paieraient le prix, et Gwendall était prêt à sacrifier cent fois son existence au profit de celles de son épouse et de ses filles... Malheureusement, il ne devinait que trop que n'importe quel sacrifice, peu importe son degré de sincérité, ne suffirait pas si la situation devait dégénérer et ne plus bénéficier à Anna... ce qui commençait déjà doucement à être le cas, Gwendall en avait bien peur.

-Je suis convaincu qu'elles diraient la même chose que toi, répondit posément Gwendall alors.

En fait non, il ne l'était pas, mais il ne voulait pas laisser sa fille dire tout et n'importe quoi de sa famille, de leur famille. Il était convaincu que s'il devait partir au combat, et malgré les tensions au sein de leur couple, Abygaëlle serait effondrée, et sans doute Anna chercherait-elle elle aussi à le retenir. Ce n'était pas un concours d'affection. Il les aimait autant les unes que les autres, et il avait envie de penser que c'était réciproque.

-Ne laisse pas ta colère et ton ressentiment brouiller ton jugement, Eleonore. Il marqua une pause. Si tu ne veux plus te soucier de leur sort, je peux comprendre, mais jamais tu ne pourras attendre de moi que je fasse de même. Je ne peux pas les abandonner. Tout comme je ne peux pas t'abandonner.

Même si ces deux affirmations paraissaient proprement incompatibles.

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a réplique d'Eleonore fit l'effet d'une gifle mentale à Gwendall... Il ne pensait pas qu'elle lui assènerait un tel discours, et ça lui faisait un mal fou. Il ne pouvait s'empêcher de trouver son discours un peu injuste. Il faisait tout son possible pour l'aider, la soutenir, sans nuire au reste de sa famille. Il se mettait en danger, il n'avait pas l'impression de renoncer et de l'abandonner, et quand elle l'affirmait, ça lui brisait le coeur. En même temps, est-ce qu'elle avait complètement tort aussi ? Non, elle n'avait pas totalement tort. A plus d'un titre, il n'avait pas su être présent pour elle. A plus d'un titre, il avait failli à son rôle de père. Il avait bel et bien abandonné Eleonore, et il cherchait maintenant à se rattraper... mais Eleonore ne lui simplifiait pas la tâche. Il comprenait sa colère et sa rancoeur. Et il se sentait à présent complètement démuni.

Il était partagé, il ne savait pas trop quelle attitude adopter. Une part de lui avait envie de la réprimander comme tout père le ferait avec sa fille trop insultante. Et en même temps, il avait envie de s'excuser, de se rabaisser... Il tenait tant à conserver l'affection et l'estime de sa fille... Il était en train de tout perdre, tout était en train de s'écrouler autour de lui, et même s'il ne pouvait qu'y faire face, il ne se sentait toujours pas capable de l'accepter, de le supporter.

-Vous avez le même point de vue sur bien des choses, en réalité. Vous restez liés par le coeur et par le sang, que cela vous plaise ou non. Il poussa un soupir. Je suis désolé que tu penses que je t'abandonne, ou que je n'en fais pas assez pour toi, je suis désolé que tu trouves lâche mon besoin de protéger les miens, tous les miens, mais je continuerai comme ça, et j'espère qu'un jour, tu comprendras.

Gwendall ne savait pas comment défendre son opinion. Gwendall ne savait pas comment faire en sorte de lui faire adopter son point de vue. Il avait le sentiment qu'en voulant veiller sur les membres de sa famille, ils allaient tous lui tourner le dos, et c'était seul qu'il allait devoir chercher à les protéger, sans la moindre possibilité. Il aimerait tant pouvoir revenir en arrière, à une époque où ils étaient heureux, mais maintenant qu'il y réfléchissait, cette époque n'existait pas réellement... ça avait été une illusion de famille heureuse dans laquelle il s'était complu, mais les erreurs, les secrets étaient déjà là, ils avaient pourri leur famille jusqu'à la moelle... Il essayait peut-être de sauver un navire à la dérive, qui en vérité avait coulé depuis longtemps.

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wendall savait qu'il ne pouvait pas convaincre en quelques mots Eleonore de comprendre les choix de sa soeur, mais il avait envie de penser que, tôt ou tard, ses jumelles parviendraient à s'entendre et à se comprendre. Cela demanderait probablement du temps, oui, mais elles avaient suivi des trajectoires différentes au nom de circonstances qu'elles n'avaient initialement pas décidées. Aux yeux de Gwendall, ce n'était pas Anna, qu'il fallait blâmer. C'était lui, et c'était son épouse, parce qu'ils n'étaient pas parvenus à prendre les décisions qui auraient dû leur être profitables mais qui les avaient torturées de la pire manière possible. Il s'en voudrait toujours éternellement pour cette raison.

-Vous protéger toutes n'est pas seulement un besoin, Eleonore, c'est un devoir...

Il avait déjà le sentiment d'avoir tant échoué en tant que père... Il n'avait aucune envie d'échouer davantage. Eleonore avait payé le prix cher à cause de lui. Il estimait normal de vouloir se rattraper, d'une manière ou d'une autre. Est-ce pour autant qu'il y parviendrait ? Il en doutait fort, mais il se devait de faire de son mieux... Son mieux était loin d'être terrible... Mais s'il devait cesser d'être un père pour ses filles - pour ses deux filles restantes, du moins -, alors que lui resterait-il ? La réponse était aussi évidente que triste à en mourir : il n'était plus rien. Bientôt, il ne serait plus rien. Il ne pourrait rien faire d'autre sinon constater tristement la somme monstrueuse de ses échecs... Et ce serait absolument tout, ne lui en déplaise.

-Je peux comprendre que tu décides de ne pas rester sans rien faire, tu n'as de toute façon pas le choix. Elle ne l'avait plus, du moins. Et je peux comprendre que tu t'imagines que c'est ce que je fais de mon côté, que je ne suis qu'un homme passible et incapable qui aura échoué en tout. Tu auras probablement raison. Je ne t'empêcherai pas d'agir comme bon te semble, mais tu ne m'empêcheras pas de vouloir te protéger. Je ne vais certainement pas prétendre que tu n'existes plus ou faire comme si de rien n'était. C'était absolument hors de question.

Il l'observa un instant. Il ne savait même plus quoi faire pour elle. Il avait tant envie, tant besoin de l'aider, et pourtant, il se retrouvait complètement démuni, à ne pas savoir quoi faire ni quoi dire, et il avait peur de ces erreurs irréparables au possible.

-J'aimerais que tu saches te fier davantage à moi qu'à certaines de tes... nouvelles fréquentations.

A commencer par Nathaniel, bien sûr, en qui il n'avait pas l'ombre de la moindre confiance, bien au contraire.

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