A la recherche du chaperon rouge [pv Eleonore <333]

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A la recherche du chaperon rouge

C'

était étrange, pour Bertille, de revenir à cet endroit après tant d'années, mais c'était important. Elle avait décidé de son retour, elle y avait mûrement réfléchi, et elle n'avait aucune intention de revenir en arrière. Malgré tout, elle était incapable de ne pas sentir son coeur se serrer, d'avoir les poumons, l'estomac, le corps dans un étau... Elle ne savait pas exactement de quelle manière elle allait s'y prendre, elle ne savait pas précisément quel serait son premier mouvement, mais elle savait qu'elle devait revenir très précisément sur ses pas pour se remettre du plomb dans l'aile, et de l'ordre dans ses idées. Alors qu'elle voyait la silhouette de la tour se détacher dans l'horizon, elle était tout simplement terrorisée. Et en même temps, elle devait revenir, ne serait-ce que pour s'assurer que personne d'autre n'avait subi le sort auquel on l'avait soumise.

Et voilà, elle y était, face à cette tour qui s'élevait si haut que les nuages enveloppaient son sommet dans un épais coton brumeux et duveteux. Du bout des doigts, elle effleura la structure en pierre de la tour. Comment faisait-il ? Comment pouvait-on pénétrer dans cette tour ? Elle n'en avait pas la moindre idée. Pourtant, il fallait qu'elle y retourne. Qu'elle revienne à cet endroit qui l'avait tenu prisonnière pendant des années. Il fallait qu'elle revienne, qu'elle réapprivoise ces vieux souvenirs qui ressemblaient à d'ignobles cauchemars. Rien que le fait d'être ici... Elle avait le sentiment que cet endroit avait conservé l'écho brutal de ses larmes, de ses cris, de ses angoisses, un point c'est tout.

Combien de temps demeura-t-elle là ? Elle n'en avait pas la moindre idée. Elle avait du temps devant elle, de toute façon, elle avait attendu pendant tant d'années de toute façon... Elle n'était pas à quelques heures près. Elle devait trouver cette entrée secrète, ce moyen de retrouver cette chambre qui autrefois avait été la sienne... Mais de toute évidence, l'astuce lui échappait.

Après un moment, elle poussa un profond soupir et s'installa sur une pierre à proximité. Elle avait du temps, certes, mais d'un autre côté, elle avait justement tant attendu qu'elle voudrait que sa patience, enfin, daigne être récompensée. Elle devait revenir, au moins remettre la main sur son journal, mais ce semblait peine perdue. Pas défaitiste, Bertille comptait bien repartir à la charge, mais là, il fallait qu'elle souffle. La jeune femme prit sa tête dans ses mains, priit une grande inspiration.

Dans le même temps, elle entendit des bruits de pas, le craquement d'une branche, un mouvement à proximité. Le coeur battant la chamade, Bertille se redressa d'un geste brusque, balaya l'espace du regard, il y avait quelqu'un, elle en était certaine. Les poings serrés, Bertille s'exprima de sa voix rauque.

-Qui est là... ?

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Nathaniel & Eleonore

A la recherche du chaperon rouge .

Nathaniel avait été arrêté par Edgar, il se trouvait présentement dans les geôles du château, sans que Eleonore ne puisse, encore, faire quoi que ce soit pour le sortir de là. Alors qu’elle avait évidement plus qu’envie de le sortir de là. Elle s’inquiétait énormément pour lui, elle s’inquiétait de ce qu’il risquait, elle s’inquiétait que le roi décide finalement de le tuer. Elle savait que Nathaniel ne dirait rien sur les rebelles, elle ne se faisait pas réellement du souci pour eux, quand bien même il était évident que la situation n’avait rien de sereine. Mais elle craignait qu’il meure, tout simplement, elle n’avait aucune idée de comment ça allait se passer s’il devait disparaître comme cela. Alors qu’il avait promis de ne pas partir, de ne pas l’abandonner, de les libérer. Cela dit, pour le coup, le jeune homme n’y était pas pour grand-chose.

En attendant, Eleonore prenait forcément les choses en main concernant les rebelles et elle se disait qu’elle devait trouver un endroit encore plus sûr pour les cacher. Ils commençaient à avoir l’habitude, ça faisait un moment quand même après tout d’errer d’endroit différent de la forêt, afin de ne jamais rester au même endroit, afin de ne pas se faire avoir. Eleonore avait fini par penser à un endroit. Elle ne savait pas si c’était une bonne idée ou non, mais c’était possible qu’elle se renseigne quand même. Après tout, elle ne perdait rien à s’y rendre, afin de voir dans quel état était la tour. Elle n’était pas venue avec les autres rebelles, ces derniers les attendait un peu plus loin, parce qu’elle voulait surtout s’assurer que c’était sécurisé et qu’ils ne risquaient rien à s’y rendre.

Quand elle arriva sur place, elle ne put s’empêcher d’attraper par instinct la dague que Nathaniel lui avait donné, au cas où. Non pas qu’elle ait spécialement envie de se battre, de devoir se défendre, mais si on ne lui laissait pas le choix, on ne lui laissait pas le choix tout simplement. D’ailleurs, il y avait une personne à proximité de la tour… une femme. Eleonore l’observa de loin, avant de finalement s’approcher, ne se doutant pas une seule seconde de qui était la jeune femme qui se trouvait là. À quel point elles avaient de sacrés points communs toutes les deux, à quels point Eleonore savait énormément de chose à son sujet. Elle ne pouvait pas le deviner pour le moment, elle restait forcément prudente.

« Qui êtes-vous… ? » Demanda-t-elle sur la réserve, s’approchant doucement de l’inconnue. Elle savait que c’était un risque de croiser quelqu’un, mais elle s’attendait plus à un garde de Féerie plutôt qu’une femme. Elle se demandait vraiment qui était cette personne, ce qu’elle faisait là. De ce qu’elle savait, il n’y avait quand même pas grand monde qui se trouvait dans le coin, qui avait des raisons de se trouver ici. Ce n’était pas un endroit de passage alors elle se disait que cette personne se trouvait là pour une bonne raison.

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Messages : 444 Date d'inscription : 08/03/2019

A la recherche du chaperon rouge

E

lle n'avait pas rêvé, elle ne s'était pas laissée abuser par une imagination un peu trop fertile, il y avait bien quelqu'un d'autre dans cette clairière. Du mouvement... Et finalement, une jeune femme fit son apparition. Bertille ne s'était pas attendue à cela, mais elle était bien placée aussi pour savoir que les apparences étaient souvent trompeuses. C'était une jeune fille. Presqu'une adolescente. Trop jeune, bien trop jeune pour se balader dans ces bois, et qui aurait presque semblé inoffensive si elle n'avait été armée. Elle n'y prêta pas trop garde pour le moment. Elle se contenta à la place de répondre à la question que lui posait son interlocutrice... ou plutôt, de ne pas réellement y répondre. Bertille avait une identité d'emprunt, qu'elle communiquait à quiconque lui posait cette question. Mais en l'occurrence, elle se défiait trop pour répondre quoi que ce soit, elle voulait d'abord comprendre à qui elle avait affaire précisément.

-Et vous, qui êtes-vous ?

Elle se rapprocha lentement pour examiner plus attentivement cette jeune fille, sans réaliser un seul instant à quel point leurs destins étaient, au fond, liés. Son regard descendit sur l'arme que la jeune femme tenait à la main. Elle voulut lui demander de la lâcher avant de poursuivre toute discussion, mais ce fut alors que dans son esprit il y eut comme un éclair, un élan soudain de lucidité. Elle reconnaissait ce pommeau, cette lame. Dans une autre main, dans une autre vie.

-C'est la dague de Nathaniel...

Le regard de la jeune femme remonta de la dague au visage de porcelaine de son interlocutrice. Oui, définitivement, la jeune femme reconnaissait l'arme, mais elle ne reconnaissait pas ce visage. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Et si cette fille, sous ses airs de ne pas y toucher, faisaient partie de ceux qui avaient livré Nathaniel à Edgar ? aurait gardé l'arme comme trophée ?

Elle en savait trop peu pour savoir réellement qui étaient les rebelles, et encore moins pour savoir que la princesse avait une soeur jumelle, et que cette dernière tentait de renverser la Couronne, sous l'influence de nathaniel. Non, tout ça lui échappait. Elle ne réalisait pas davantage que si quelqu'un était à même de l'aider. A retrouver Nathaniel, à comprendre qui était Victoria, c'était elle, cette jeune femme qui à ses yeux ne payait pourtant pas de mine, et qui malgré un courage apparent ne semblait pas un seul instant avoir à sa place à cet endroit.

Malgré tout, elle reconnaissait certaines coïncidences. L'arme, la tour, tout ça ne pouvait pas être une coïncidence. Bertille en avait trop vu, trop vécu, pour croire encore en ce genre de choses, d'ailleurs, et son interlocutrice aussi d'ailleurs, même si c'était une chose que la jeune femme n'avait pas encore eu le loisir de réaliser pour sa part.

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Nathaniel & Eleonore

A la recherche du chaperon rouge .

Eleonore aurait bien aimé que l’inconnue qui se trouvait devant elle réponde à sa question, mais en même temps on ne pouvait pas vraiment dire qu’elle l’avait fait de son côté. Elle s’était montrée, elle avait prouvé qu’il y avait bien quelqu’un, mais elle n’avait clairement pas révélé qui elle était. Eleonore ne savait que trop bien qu’elle se devait d’être prudente, même si forcément elle ne pouvait pas s’empêcher de se dire que cette jeune femme ne ressemblait pas forcément aux sbires de Edgar. Cela dit, Eleonore était bien placée pour savoir qu’il ne fallait jamais se fier aux apparences, elle apprenait les leçons petit à petit, mais elle finissait bien par les apprendre.

Sans grande surprise donc, la jeune femme lui demanda qui elle était, elle. Eleonore se devait d’être prudente, dans tous les cas elle ne pouvait pas affirmer qu’elle était « Eleonore Odien » et encore moins qu’elle était une rebelle contre la royauté de Edgar. Surtout quand elle n’avait absolument aucune idée de l’identité de son interlocutrice. Elle ne savait pas réellement quoi répondre, elle pesait le pour et le contre, même s’il était évident à ses yeux qu’elle n’allait pas se contenter de donner son nom.

Mais avant même qu’elle n’ait eu le temps de prendre la parole, la femme baissa son regard sur la dague de Nathaniel qu’elle avait en main et affirma alors – parce que ce n’était pas une question qu’elle posait, elle était sûr et certaine de ce qu’elle disait – qu’il s’agissait de la dague de Nathaniel. Entendre cette femme mentionner le nom de Nathaniel ne la rassurait en aucun cas. Qui était-elle ? Comment connaissait-elle Nathaniel ? Et comment elle faisait pour connaître cette dague ? Eleonore avait conscience qu’elle ignorait encore beaucoup de chose, mais elle n’était pas certaine que ce soit le bon moment pour en apprendre davantage.

« Comment connaissez-vous Nathaniel ? » Demanda-t-elle alors, même si elle se disait que la jeune femme pouvait ne pas répondre à sa question. Encore une fois, Eleonore décidait de ne pas dire qui elle était, elle décidait de ne pas encore entrer dans ces détails. Mais en même temps, elle avait besoin de savoir qui était la femme sous ses yeux.

Sans se rendre compte qu’elle la connaissait déjà, que même si elles n’avaient pas eu l’occasion de se rencontrer en personne avant maintenant, leurs histoires étaient déjà bien trop liées. Pour l’heure, Eleonore ne pouvait que se méfier et au vu de la situation elle considérait même qu’elle avait toutes les raisons du monde de se méfier. Rien ne pouvait lui garantir que la femme sous ses yeux n’était pas une ennemie de Nathaniel, celle qui avait peut-être permis à Edgar de le retrouver. Elle semblait en savoir beaucoup… Eleonore ne pouvait donc pas prendre de risque. Même si à un moment ou à un autre, elles allaient quand même devoir se parler et se dire plus franchement les choses si elles voulaient avancer.

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A la recherche du chaperon rouge

L

eur conversation progressait des plus étrangement, c'était le moins que l'on puisse dire. Et pour cause, les deux étaient sur leurs gardes, et voulaient en dire le moins possible sur elles personnellement. Alors au lieu de se répondre mutuellement, elles s'interrogeaient l'une l'autre, un échange direct et progressif, mais si aucune d'entre elles ne baissait les armes, cette situation n'aboutirait évidemment nulle part. Alors soit, de toute façon, elle ne perdait pas grand chose.

Cette jeune femme portait la dague de Nathaniel, et elle, elle avait besoin de quoi il retournait. S'il fallait vraiment que la jeune femme en dise plus long sur elle-même pour que son interlocutrice daigne répondre à ses propres questions, alors soit... dans tous les cas, elle ne laisserait pas à son interlocutrice l'occasion de divulguer ses secrets, ça, c'était de l'ordre de la certitude pure et simple. Alors pour cette fois, et donc pour la première fois depuis le début de leur échange, elle ne se déroba pas et daigna lui répondre précisément.

-Je ne l'ai pas revu depuis près de vingt ans. Il m'avait promis de revenir, il m'avait promis de m'offrir la plus belle fleur de tout le royaume du bout de l'océan. J'étais stupide à l'époque... j'avais sept ans, même pas... Il n'est jamais revenu. Mais il gardait toujours cette dague sur lui.

Elle ne savait pas pourquoi elle se répandait en détails comme cela, il était certain que son interlocutrice s'en moquerait, mais tant pis. Elle avait besoin de parler, de s'exprimer. Cette histoire qu'elle avait contenue, refoulée, elle ne l'avait jamais oubliée. Elle s'était inventée une autre vie, un autre nom, une autre identité, elle avait tout recommencé, mais elle n'avait rien laissé derrière elle. Jamais elle n'avait oublié cette tour, Nathaniel, Anthony, Victoria, Edgar... Elle retenait le moindre détail de ce passé dans lequel elle acceptait de se replonger de nouveau... pas par envie... par nécessité.

-C'est vous qui l'avez livré au roi ?

Si c'était le cas, elle serait bien incapable de le pardonner à son interlocutrice. Peu importe qui elle était, peu importe ce qu'avaient été précisément ses motivations. Bertille était de retour pour des raisons précises, et quiconque se mettrait en travers de son chemin devrait en payer les conséquences. Ceci dit, d'une manière ou d'une autre, quelque chose disait à Bertille que son interlocutrice pourrait bien être capable de lui apporter les réponses qui lui manquaient, de combler les zones d'ombre qui demeuraient encore obscures.

Cela ne ferait pas d'elle une alliée pour autant, mais tout du moins une informatrice. Pas davantage. Bertille n'avait l'intention de compter que sur elle-même quoi qu'il en soit, sur elle-même et personne d'autre. Elle avait bien compris que la confiance d'autrui était un leurre, une douleur, et qu'elle ne pouvait pas s'y fier.

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Nathaniel & Eleonore

A la recherche du chaperon rouge .

Eleonore se doutait bien que si elle ne répondait pas un peu aux questions de la jeune femme sous ses yeux, elles n’allaient pas avancer. Mais en même temps, elle ne pouvait pas non plus lui faire confiance. C’était comme ça, une sorte d’instinct de survie, il fallait se méfier de tout le monde. Surtout en ce moment, Nathaniel avait été enfermé par Edgar, c’était clairement le pire moment pour faire confiance à n’importe qui. La jeune femme devait donc se montrer prudente, surtout qu’elle avait quand même le sort des rebelles entre ses mains.

Finalement, ce fut l’inconnue qui décida de répondre un peu plus à sa question, de ne pas simplement répondre par une autre question. Elle affirma qu’elle n’avait pas vu Nathaniel depuis presque vingt ans… encore une personne qui avait connu Nathaniel dans son « autre » vie, avant qu’il ne passe toute ces années en prison. Il avait donc promis à la jeune femme de revenir, alors qu’elle n’était qu’une enfant, lui promettant de lui apporter la plus belle fleure du royaume du bout de l’océan. Les propos de l’inconnue faisaient naître encore plus de question chez Eleonore, elle se demandait qui elle était, qui elle était pour Nathaniel également. Quelque chose lui disait qu’elle devait en découvrir plus, même si pour l’heure elle ne savait toujours pas si elle pouvait lui faire confiance.

« Non, jamais je n’aurais fait ça. » Répondit-elle quand son interlocutrice lui demanda si c’était elle qui avait livré au roi. C’était vraiment la dernière chose que la jeune femme aurait pu faire. « Si j’ai cette dague, c’est parce qu’il me l’a donné. » Il était évident qu’elle allait devoir en dire plus. Est-ce que cette femme n’était pas seulement en train de la manipuler ? C’était possible, mais en même temps si elle ne disait rien, elles ne pourraient pas avancer. « Nathaniel était en prison pendant des années. Avec lui et d’autres personnes, on a réussi à s’enfuir et depuis on est en cavale dans le royaume. On ne s’en sortait pas trop mal avant… avant que Edgar n’arrive à le trouver. »

Elle tentait de faire comprendre à cette jeune femme qu’elle était du côté de Nathaniel, même si c’était quand même un peu risqué. Si cette personne était là pour le compte de Edgar, elle prenait vraiment des risques. Mais en même temps… elle se disait qu’elle serait capable de se défendre et les autres rebelles n’étaient pas encore là. Ce n’était pas pour rien qu’elle avait décidé de venir en éclaireuse pour s’assurer que la voie était libre et qu’il n’y avait pas de danger.

« Qui es-tu ? » Demanda-t-elle, oubliant le vouvoiement sans vraiment s’en rendre compte. « Qui es-tu pour lui ? » Pour Nathaniel évidemment.

Elle pensait connaître beaucoup de chose de la vie d’avant de Nathaniel, mais Eleonore savait bien qu’il y avait beaucoup de chose qu’elle devait apprendre encore. Et visiblement, la jeune femme en faisait partie.

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A la recherche du chaperon rouge

L

a jeune femme restait sur ses gardes... malgré tout, il lui était difficile de ne pas avoir envie de croire son interlocutrice quand celle-ci s'offusquait de pouvoir être considérée comme une ennemie. Elle devait se méfier de chaque mot prononcé, il n'empêche qu'une part d'elle lui reconnaissait une sincérité qu'il serait sans doute difficile de feindre, en réalité. Elle pourrait bien être au service d'Edgar, oui, mais rien dans sa stature ou son accoutrement ne collait à cette possibilité. Et pourquoi lui aurait-on octroyé le droit de conserver la dague de Nathaniel. N'était-il pas plus logique qu'il la lui ait cédé, qu'elle fasse partie de ces rebelles qui avaient été à ses côtés - et n'avaient pas, par conséquent, réussi à la protéger - et défendu les mêmes opinions que lui ? Si c'était le cas, elle tenait peut-être l'une des pistes les plus tangibles qu'elle ait jamais eue jusqu'ici, elle ne pouvait clairement pas laisser passer ça.

Elle avait été prisonnière au même titre que Nathaniel... ça se tenait, quelque part, et elle avait le sentiment que le peu qu'elle lui disait de lui, à savoir les deux décennies d'emprisonnement édictées par le roi, étaient de celles qu'Edgar n'aurait même pas appris à ses sbires les plus loyaux. Alors soit, sans être convaincue, elle lui laissait au moins le bénéfice du doute. Elle avançait à tâtons depuis trop longtemps pour ne pas s'attarder quelquefois sur l'une ou l'autre opportunité qui lui étaient données.

Quand la jeune femme l'interrogea, Bertille hésita. C'était le moment de mentir sur son identité, d'apprendre à son interlocutrice son nom d'emprunt... mais c'était peut-être aussi l'occasion de dévoiler ses cartes, ne serait-ce qu'un peu. De toute manière, un simple nom ne serait sans doute pas grand-chose, cette jeune fille n'avait sans doute jamais entendu son nom - là-dessus, elle se trompait, mais impossible pour elle de le savoir, évidemment.

-Je ne sais pas, répondit-elle quand la jeune fille lui demanda ce qu'elle représentait pour Nathaniel. Même à l'époque, elle n'en savait trop rien, elle ne pouvait pas parler à sa place. Si ça se trouve, il ne se souvenait plus vraiment d'elle, ce n'était pas improbable, mais lui l'avait marquée à vie quoi qu'il en soit. Pour moi, c'était le seul... à accepter qui j'étais. Pour lui j'en sais rien. Elle marqua une pause, puis finalement, osa se présenter. Je m'appelle Bertille.

Pour elle, dire son nom, c'était un aveu incroyable, mais dans le fond, elle se disait qu'il ne représenterait pas grand-chose pour Eleonore, en revanche. Mais au moins, elle s'était présentée pour qui elle était, et le reste... elle ne se sentait pas prête à le dire, surtout tant qu'elle n'aurait pas la certitude de qui était son interlocutrice.

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Nathaniel & Eleonore

A la recherche du chaperon rouge .

Eleonore savait bien qu’elle prenait peut-être un risque à en dire trop, mais en même temps il fallait bien qu’elle dise quelque chose si jamais elle avait envie que la situation s’avance un peu. Elle ne savait pas si elle pouvait faire confiance à la jeune femme sous ses yeux et elle devrait partir du principe qu’elle ne devait faire confiance à personne. Surtout au vu de la situation, parce que mine de rien, Nathaniel se trouvait quand même en prison actuellement et qu’elle se devait de protéger les autres rebelles. Mais si elle ne disait rien, elle se doutait que son interlocutrice n’allait rien lui apprendre non plus. Et dans tous les cas, la jeune femme ne pouvait que se défendre quand on pensait qu’elle avait vendu Nathaniel au roi, ce n’était évidemment pas le cas, elle n’aurait jamais fais ça.

L’inconnue répondit qu’elle ne savait pas, quand Eleonore lui demanda qui elle était pour Nathaniel. Elle semblait bien le connaître, et forcément la jeune femme se demandait qui elle était, parce qu’elle avait quand même fait parti de la vie du « jeune » homme, celle qu’il avait avant de se retrouver enfermer pendant des décennies sur l’île des soupirs. Comme à son habitude, Eleonore était pleine de questionnement, elle se demandait qui était cette femme, qui elle était pour Nathaniel. Mais les réponses de l’inconnue était un peu floues au début, alors qu’elle affirmait qu’il était le seul à accepter qui elle était. Forcément à cette réponse, la jeune femme ne pouvait pas s’empêcher de se poser plus de question. Pourquoi est-ce que Nathaniel serait le seul à l’accepter comme elle était, qui elle était justement pour que ça arrive. Eleonore s’apprêtait à répondre en posant de nouvelle question, mais après une pause, son interlocutrice reprit la parole.

Bertille ? Ce nom n’était pas inconnue de Eleonore, elle avait eu l’occasion de l’entendre déjà. Bertille... comme la fille de Edgar, celle soit disant « malade » et disparue. Comme...

« Bertille ?... » Ne put-elle pas s’empêcher de prononcer dans un souffle, incapable de cacher sa surprise. Elle avait l’habitude des surprises, depuis un moment maintenant elle découvrait des choses surprenantes, devait remettre en question tout ce qu’elle vivait, tout ce qu’elle avait vécu même. Mais à chaque fois, c’était une nouvelle surprise... elle ne pouvait pas s’habituer. Même si au fond, elle devait être prête à tout entendre et sans doute que c’était en partie le cas. « Comme... comme la fille de Edgar ? La princesse. »

Il y avait peut-être d’autres Bertille en ce bas monde, mais les coïncidences étaient beaucoup trop grandes pour que Eleonore puisse songer se tromper. Une Bertille affirmant avoir connu Nathaniel il y a vingt ans, quand l’homme et le roi étaient encore amis, qui se trouvait au pied de cette tour. Non, elle pensait avoir bien compris, elle cherchait simplement à entendre son interlocutrice le confirmer.

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A la recherche du chaperon rouge

L'

information aurait seulement pu être anodine, et la jeune femme aurait tout à fait pu entendre ce nom sans le reconnaître, sans la reconnaître. Mais elle comprit bien vite qu'il n'en était rien. Le regard d'Eleonore changea aussitôt, et Bertille comprit aussitôt qu'elle savait qui elle était... ou du moins en partie, car elle doutait fort, en revanche que son interlocutrice soit vraiment au courant de toute la situation. Comment serait-ce possible, en même temps ? Presque personne ne l'était. Elle savait donc qu'elle était la fille d'Edgar... ce qui n'était pas tout à fait exact, en réalité, mais qu'importe (Bertille elle-même n'en savait rien)... Est-ce que c'était une bonne chose ? Va savoir, mais au moins, c'était chose dite, à présent.

-Je n'ai jamais été une princesse, répondit Bertille dans un sourire amer.

La jeune femme était la princesse légitime du royaume de Féerie. A vrai dire, si elle le voulait, elle pourrait encore le réclamer... sauf que c'était tout sauf son intention. Et jamais, durant toute sa vie, elle n'avait été considérée comme Gabriel, lui, avait dû l'être toute son existence. Elle avait été maintenue à l'écart, à l'ombre, son existence avait à peine été mentionnée. Avant même que des décisions plus radicales ne soient prises à son encontre, on tentait déjà de la cacher, de prétendre qu'elle n'existait pas. Non, Bertille n'avait jamais été une princesse, et pour la peine, elle ne s'était jamais considérée comme telle. Bien sûr, une part d'elle l'aurait voulu, vraiment voulu... Tout comme elle aurait voulu voir briller de la fierté dans le regard d'Edhar... Mais ce n'était pas ainsi que les choses pouvaient fonctionner.

-J'avais seize ans quand mon père m'a fait enfermer dans cette tour..., observa-t-elle en levant les yeux sur le sommer de ce qui avait été son petit enfer personnel pendant des mois et des mois avant qu'elle ne parvienne finalement à s'enfuir. Ce n'est généralement pas le sort que l'on réserve aux princesses.

Pas de jolies robes, pas de protocole, pas d'éducation à la vie politique du royaume. Au mieux lui avait-on appris à lire et à écrire. C'était sans doute plus que ce qu'elle aurait bien pu espérer, mais ce n'était évidemment pas assez. On lui avait ôté son titre, son identité... et pire que tout, on lui avait ôté sa fille. Elle n'était pas une princesse, elle n'était plus rien. Mais aujourd'hui, plus que jamais, elle était déterminée à reconquérir ce qu'elle avait perdu, même si elle devait pour cela affronter tous les dangers possibles. Elle n'avait peur de rien. C'était l'avantage, quand on n'avait plus rien à perdre. Il n'y avait rien à sacrifier, juste à se battre.

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Nathaniel & Eleonore

A la recherche du chaperon rouge .

La réponse de Bertille est immédiate, elle n’a jamais été une princesse. Évidemment, Eleonore ne connaissait pas toute l’histoire, elle n’en connaissait au final pas grand-chose en réalité. Cela dit, elle pensait pouvoir comprendre un peu ce que Bertille voulait dire. La jeune femme ne savait pas réellement ce qu’elle entendait par ses propos, mais puisqu’il était évident que Edgar n’était pas plus que cela préoccupé du sort de sa fille… c’était qu’il y avait une raison quelque part. Mais Eleonore était bien sûr bien loin de s’imaginer que Bertille n’était pas la fille du souverain. Eleonore leva également les yeux quand Bertille affirma qu’à seize ans, son père l’avait enfermé dans cette tour et que ce n’était évidemment pas un sort qu’on réservait à une princesse…

Ça, c’était évident, la jeune femme n’avait pas du tout été traité comme une princesse. Elle avait été un… poids, quelque chose qu’il fallait cacher, comme pour beaucoup d’autre chose. Eleonore avait eu l’occasion de faire un tour dans cette tour également, ce n’était pas pour rien qu’elle se trouvait ici et maintenant. Elle y avait trouvé certaine chose, elle avait appris certaines choses…

« Ils affirment que tu es morte, mais comme pour beaucoup de chose… je suppose qu’ils se sont contentés de s’arranger avec la vérité. »

Eleonore ne savait même pas pourquoi elle disait ça comme ça, mais… en même temps c’était juste la vérité. On lui avait raconté que Bertille était morte, elle s’en rappelait bien c’était même Anthony qui le lui avait dit. Sans doute parce que Edgar avait quelque chose à cacher. Eleonore ne savait pas vraiment pourquoi Bertille n’avait pas eu le droit de se rendre sur l’île des soupirs, mais il devait y avoir une raison. Le fait qu’elle soit proche de Nathaniel à l’époque ? Il y avait encore tellement de chose que Eleonore devait découvrir, qu’elle devait apprendre de toutes ces histoires. Encore tant de chose…

« J’ai passé du temps dans cette tour aussi, à une époque. » Ce n’était pas si vieux que cela en réalité, quand on y réfléchissait, mais il s’était passé tellement de chose entre temps que Eleonore avait un peu le sentiment d’avoir vécu plusieurs vies. Et pas comme pouvoir le considérer Nathaniel, qui avait eu une vie avant et après la prison de l’île des soupirs.

Il y avait certaine chose que Eleonore avait envie de demander à Bertille, mais… elle n’osait pas. Sans aucun doute parce qu’elle connaissait déjà la réponse et qu’elle n’était pas vraiment sûre d’être prête à endurer tout ça. Et en même temps, il allait bien falloir qu’à un moment donné, tout cela arrive sur le tapis. Eleonore aurait vraiment aimé que Nathaniel soit présent… qu’il soit là pour parler avec Bertille, qu’ils se retrouvent même s’ils étaient si proches à l’époque. Mais en même temps, elle devait prouver qu’elle était capable aussi de se débrouiller seule et pour le coup, elle n’avait pas le choix de toute façon.

« Pourquoi tu as été envoyé dans cette tour ? » Demanda-t-elle alors, se doutant en réalité de la réponse.

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A la recherche du chaperon rouge

B

ertille hocha simplement la tête quand son interlocutrice observa que tout le monde avait affirmé qu'elle était morte, une manière parmi tant d'autre d'arranger la vérité pour qu'elle corresponde aux critères du roi. Si la jeune femme n'était pas dans son camp, elle le cachait très bien, car de telles paroles n'étaient pas à prononcer en présence de n'importe qui... mais en présence de Bertille, Eleonore ne craignait rien. Elle prêchait une convertie. Bertille avait connaissance de ces petits arrangements avec la vérité, elle en avait été l'une des premières victimes, peut-être, et si quelqu'un était bien placé pour savoir quelle sorte de monstre se dissimulait derrière Edgar, c'était également elle.

Elle avait ouïe dire qu'on la pensait morte, en effet, elle avait posé la question innocemment quand elle l'avait pu, une fois évadée de sa tour. Certains, lorsqu'elle avait évoqué la princesse, avaient affiché des yeux étonnés. Edgar avait fait mieux que de la tuer officiellement... Elle l'avait laissée basculer dans l'oubli... si bien que dans l'imaginaire de beaucoup, le roi n'avait jamais eu qu'un fils. Et il n'avait jamais eu qu'une seule épouse, également. Le mensonge clamé si fort et avec tant d'aplomb qu'il devenai une vérité générale. Sa méthode préférée.

Elle voulut répondre quelque chose, mais Eleonore fut plus rapide. Elle lui dit qu'elle aussi, on l'avait fait enfermer dans cette tour. Bertille était... troublée par cette information. Elle ne s'était jamais imaginée que son "sanctuaire" puisse un jour être la prison de quelqu'un d'autre. Elle se sentit presque violée dans son intimité. Cette chambre où tout parlait d'elle, quelqu'un d'autre y avait mis les pieds. Tout ce qu'elle avait laissé là-bas, son journal... Est-ce que... ? Non, elle ne savait sans doute rien. Les lieux avaient sans doute été nettoyés après son passage. Elle hésita avant de répondre à la question d'Eleonore. Elle avait envie de poser exactement la même. Chacune son tour, sans doute. Mais pour avoir droit à sa réponse, il allait falloir qu'elle se montre honnête... C'était difficile. Elle ne parlait plus jamais d'elle...

-Je suis tombée enceinte, répondit-elle d'un ton qu'elle voulait détaché, mais sa voix tremblait. J'ai eu une fille.

Ce pourrait sembler ne pas être un prétexte suffisant à envoyer à la solitude et à la faim une adolescente, mais Bertille ne réussissait même pas à mettre des mots sur tout le reste. C'était une blessure trop profonde, autoriser de la rouvrir serait bien trop douloureux.

-Et toi ? demanda-t-elle comme s'il n'y avait rien à dire ou expliquer de plus.

Elle se doutait que la curieuse Eleonore ne se contenterait pas de cela, mais tant pis. Elle aussi voulait savoir, dans tous les cas... L'on touchait à ce qu'il y avait de plus personnel chez elle. Et en attendant, Bertille ne savait toujours rien de son interlocutrice, si ce n'est qu'elle connaissait Nathaniel.

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Nathaniel & Eleonore

A la recherche du chaperon rouge .

Au fond, Eleonore ne savait pas réellement ce qu’il était bon de dire ou non. Elle n’avait pas l’habitude d’être dans la position de celle capable d’apprendre quelque chose à quelqu’un. Alors, elle ne savait pas quelles informations elle devait garder pour elle précisément. Cela dit, elle s’était dit qu’en mentionnant le fait qu’elle était montée dans la tour, ça avait pu… mener quelques sujets de conversation sur le tapis. Parce qu’il y avait quand même certaine chose qu’il faudrait sans doute qu’elles parlent. Quand Bertille affirma qu’elle était tombée enceinte, sans entrer dans les détails, Eleonore aurait quand même bien aimé entendre autre chose. Mais au fond elle le savait, elle s’en était doutée. Bertille avait eu une fille…

Les coïncidences n’existaient pas réellement en réalité, Eleonore devait bien se rendre à l’évidence, le destin s’amusait avec elle sans nul doute. Pendant longtemps, la jeune femme avait été naïve et à l’époque, elle n’aurait doute pas fait du tout le rapprochement, mais là c’était beaucoup trop évident. Bertille avait eu une fille, avant ses seize ans… elle n’était pas beaucoup plus vieille qu’elle finalement. Eleonore se disait qu’elle devait avoir une dizaine d’année de plus qu’elle. Une fille… Edgar avait caché la mère et il avait fait en sorte de se débarrasser de la fille en question, fait en sorte que cet enfant ne lui pose pas de soucis. En trouvant un couple pour s’en occuper, en échange… d’une promesse de mariage par exemple ?

Eleonore leva son regard vers Bertille sans répondre tout de suite à la jeune femme, ne sachant pas ce qu’elle devait dire. Souvent, c’était elle qui posait des questions, généralement à un jeune homme ne s’arrêtant pas de sourire, elle n’avait pas l’habitude de devoir raconter son histoire. Elle se contentait d’écouter des histoires, plutôt que de les raconter. Mais elle ne pouvait pas ne rien dire non plus. Bertille n’était pas une alliée de Edgar en plus, peut-être qu’elle allait pouvoir les aider….

« Je devais épouser le prince Gabriel. » Répondit-elle alors, ne sachant plus réellement par quel bout commencer. Son histoire lui semblait si longue, mais elle n’avait pas envie de rentrer trop dans les détails. « Mais je n’ai pas eu envie alors j’ai tenté de fuir. Ma sœur jumelle a prit ma place auprès de Gabriel, j’ai été enfermé – si on voulait – et c’est comme ça que j’ai rencontré Nathaniel. » Eleonore marqua une pause, elle ne savait pas si capable d’en dire. « Je l’ai aidé à s’enfuir et depuis on tente de survivre… Tu as peut-être entendu parler, les gardes nous recherchent. » Et Nathaniel avait été attrapé malheureusement.

Maintenant, Eleonore avait apprit beaucoup plus de son histoire à Bertille, et il faudrait qu’elle parle d’autre chose. Elle ne savait pas comment s’y prendre, surtout que… ça ne faisait que remonter de grandes douleurs.

« Ta fille… » Dit-elle la voix tremblante, ne sachant toujours pas si c’était une bonne idée. « Son prénom… c’est Victoria c’est bien ça ? »

C’était ça, elle le savait… Bertille était la mère de Vitoria.

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A la recherche du chaperon rouge

B

ertille se doutait que l'histoire de son interlocutrice, quelle qu'elle soit, ne devait pas être commune, ce qu'elle n'avait pas soupçonné, en revanche, c'était le fait qu'elle commence ainsi. Elle devait épouser Gabriel. Son frère... ce frère qu'elle avait à peine connu... C'était étrange, à regarder Eleonore et son apparence si misérable, il était impossible de soupçonner, un seul instant, qu'elle aurait pu être un princesse, cette même princesse que Bertille refusait d'admettre avoir été de son côté. Mais elle la croyait sur parole. Un tel récit ne s'inventait pas. Elle devait épouser Gabriel, donc, mais elle avait fui le soir de son mariage, et sa soeur jumelle avait pris sa place. Des manigances dignes des Basiel, en somme. Bertille ne serait pas étonnée d'apprendre que la jumelle devait maintenant porter le nom qui était celui de sa soeur pour dissimuler la supercherie. Elle avait fui et elle avait été enfermée.

Tout d'abord, Bertille crut donc que c'était dans cette fameuse tour, mais non, puisqu'elle avait fait la connaissance de Nathaniel dans ces circonstances. Donc elle avait été emmenée dans cette sorte de prison de laquelle tous ces gens s'étaient enfuis... Elle l'avait soupçonné, mais maintenant, elle en avait le coeur net, pour de bon. Elle hocha simplement la tête quand Eleonore évoqua les gardes royaux qui étaient à leur recherche. Elle n'avait pas fait qu'entendre parler d'eux, elle en avait rencontré un, qui l'avait interrogée autant qu'il l'avait pu et avait jeté un vent de panique dans son esprit qui n'avait pas du tout été préparé à cela.

Cela expliquait déjà beaucoup de choses, mais pas tout. Plus Eleonore lui en apprenait sur elle, plus Bertille avait de questions. Elle ne comprenait toujours pas comment elle connaissait cette tour et dans quelles circonstances elle y avait été enfermée. Et puis, elle se posait aussi beaucoup de questions sur le groupe dont elle faisait partie. Sans oublier toutes les questions qu'elle voudrait lui poser sur Nathaniel. Mais toutes lui donnèrent l'air d'être d'une inutilité flagrante, d'un intérêt inexistant, quand la jeune femme enchaîna, lui demanda si sa fille s'appelait Victoria.

Son coeur s'arrêta un instant. Elle n'avait entendu parler de Victoria qu'une seule et unique fois. Le jour où Anthony avait bien voulu lui apprendre le nom de sa fille (un nom qu'elle n'aimait pas, au passage, mais puisqu'il était celui de la chair de sa chair, elle voudrait bien le chérir toute sa vie). C'était si étrange d'entendre son nom. Etrange et agréable. Elle sentait une vague d'espoir la submerger tout à coup. Eleonore connaissait Victoria, elle avait une chance, une vraie, de revoir sa fille.

-Tu connais Victoria ? Tu sais où elle est ? demanda-t-elle avec empressement, ne se souciant plus de tout le reste, y compris de toutes les questions qu'elle avait voulu poser.

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Nathaniel & Eleonore

A la recherche du chaperon rouge .

Eleonore se doutait que quand elle allait aborder le sujet de Victoria, ça allait être difficile. En même temps, dès qu’elle pensait à Victoria c’était difficile. Au fond, Eleonore se faisait à l’idée de sa disparition, elle n’avait pas le choix en même temps, mais ça n’enlevait pas la peine qu’elle ressentait à chaque fois qu’elle pensait à sa sœur, à la manière dont elle était morte... et surtout à la personne qui l’avait tué. C’était difficile, mais en même temps ce n’était pas comme si elle pouvait pas faire comme si elle ne comprenait pas ce qu’il y avait à comprendre...

Bertille sous ses yeux était la mère de Victoria. Eleonore ne connaissait pas tous les détails de cette histoire, mais il y avait de nouveau une nouvelle pièce de puzzle qui s’ajoutait à l’histoire. La jeune femme avait su que Edgar avait cherché à cacher Victoria, pour une raison, maintenant elle savait que c’était parce que c’était l’enfant de sa fille... du moins, c’était ce qu’elle pensait et ce qu’elle allait continuer de penser si elle n’apprenait pas plus de cette histoire. Dans tous les cas, la jeune femme se retrouvait en face de la mère de Victoria et Eleonore savait que les prochaines minutes allaient être particulièrement douloureuses. D’ailleurs, Eleonore sentit son cœur se serrer en entendant Bertille lui demander si elle savait où se trouvait Victoria.

Elle vit une belle vie merveilleuse de l’autre côté de l’océan, heureuse et épanouie... l’excuse qu’on lui avait donné à la disparition de sa sœur lui revint à l’esprit. La jeune femme ne pouvait pas s’empêcher de reconnaître qu’il était moins douloureux d’entendre de telles paroles, que d’entendre la vérité. Mais ce n’était finalement qu’un baume pour couvrir une blessure, sans permettre de la fermer totalement. Elle ne pouvait pas faire ça, mais il lui était plus difficile que jamais de prononcer les mots qu’elle prononça ensuite.

« Elle... » Sa voix se serra. Elle devait se montrer forte, elle devait parvenir à dire ce qu’elle avait à dire, même s’il était difficile pour elle de contrôler l’humidité de ses yeux. Bertille se devait d’apprendre la vérité, il était inutile qu’elle la cherche, si c’était ce qu’elle faisait. Mais elle semblait avoir tant besoin de la trouver... ça se voyait dans la manière dont elle lui posait des questions. « Elle est... je suis désolée, elle est morte. » Il n’y avait pas de détour à prendre, Eleonore savait parfaite que quoi qu’elle dise ça allait être difficile. « Edgar s’est arrangé pour la faire disparaître... »

Avait-elle réellement besoin de dire cela ? Disons qu’elle anticipait un peu les questions de son interlocutrice se doutant que ça n’allait pas suffire. Qu’elle allait sans doute se poser encore des questions, à moins que... elle ne pouvait de toute façon pas savoir comment Bertille allait réagir.

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A la recherche du chaperon rouge

A

u fond, Bertille aurait dû le savoir… Victoria en vie, jamais Edgar n’aurait été serein… Mais sa fille n’avait pas été un déchet dont l’on se serait seulement débarrassé une fois venu au monde. On lui avait donné un nom, on l’avait confiée à une tutrice… ce n’était pas… ça ne pouvait pas être dans l’intention de la tuer ensuite, si ? Au fond d’elle, Bertille n’avait eu de cesse de se répéter que Victoria était toujours en vie. C’était ainsi, c’était obligé, il ne pouvait en être autrement. S’il était arrivé quoi que ce soit à sa fille, à la chair de sa chair, elle l’aurait forcément su… comment aurait-elle pu ne pas le savoir ?

Et pourtant, la réponse d’Eleonore était sans appel… et Bertille était incapable de penser qu’elle mentait. Jamais elle n’aurait menti sur un sujet à ce point grave et important. Non, elle était d’une sincérité crue et abominable, et de toute évidence, ce constat, terrible et indéniable, la faisait souffrir elle aussi. Sa voix tremblait quand elle en parlait… Victoria se sentit devenir d’une pâleur cadavérique. Un sentiment de vertige s’emparait d’elle et elle se sentait presque impérieusement entraînée vers le fond. Elle avait envie de se jeter au sol, de hurler… mais elle ne faisait rien, elle ne bougeait pas, elle ne pleurait même pas, interdite, sous le choc. Victoria était la raison pour laquelle elle s’était échappée, la raison pour laquelle elle avait survécu… Elle ne pouvait pas être morte.

-Non…, dit-elle d’une voix blanche. Non, non, non…, répéta-t-elle en passant une main angoissée dans ses cheveux, dans une litanie angoissée. Cette vérité était trop horrible pour qu’elle puisse, pour qu’elle sache l’accepter en tant que telle. Victoria morte, elle n’avait plus rien, elle n’était plus rien. C’est impossible.

Bien sûr, que c’était possible, c’était complètement possible… Elle savait qu’Edgar en était capable. Il l’avait enfermée, elle, dans une tour où elle aurait dû mourir de faim. Elle avait cherché à tuer sa propre fille… Qu’est-ce qu’était la mort d’une enfant de plus sur la conscience ?

-Comment tu peux être sûre que c’était bien elle, hein ?

Elle avait tant besoin de croire que Victoria était toujours en vie ! Elle refusait la réalité, un point c’est tout. Elle avait tant bataillé pour la retrouver. Elle ne pouvait tout de même pas remettre en question toutes ses convictions et tout son combat parce qu’une jeune femme qui était encore une parfaite inconnue pour elle il y a quelques secondes lui assurait que sa fille était morte. Si Edgar avait voulu s’en débarrasser, ce pouvait être à un moment où Eleonore était dans tous les cas trop petite pour s’en souvenir. Non, il y avait forcément une autre explication, une bonne explication. Ça ne pouvait tout simplement pas se terminer comme cela. En pensées, Bertille avait imaginé de mille manières ses retrouvailles avec Victoria, elle devait se rassurer, croire encore qu’un de ces scénarios allaient se produire. Elle ne pouvait pas la perdre, elle ne pouvait pas, elle ne pouvait pas…

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Nathaniel & Eleonore

A la recherche du chaperon rouge .

Eleonore se sentait nauséeuse de devoir annoncer une telle nouvelle à la jeune femme sous ses yeux. Comprendre que Bertille était la mère de Victoria… ça avait juste le don de la retourner. Victoria avait toujours été une sœur pour elle, avant qu’elle ne découvre qu’elles ne partageaient pas le même sang. Et même maintenant, Eleonore était tout bonnement incapable de ne pas la considérer comme sa sœur. Mais elle avait en face d’elle la vraie mère de Victoria et parler de sa mort, l’annoncer à Bertille… elle se sentait juste très mal. C’était le cas à chaque fois qu’elle pensait à sa jeune sœur disparue, mais c’était encore plus difficile en cet instant précis. Le pire était évidemment de voir Bertille pâlir de plus en plus, alors qu’elle encaisser la nouvelle, qu’elle comprenait ce qu’il en était.

Évidemment, Bertille n’accepta pas réellement ses paroles, Eleonore sentit sa gorge se serrer en entendant les « non » de Bertille, qui n’acceptait pas ce qu’elle venait de lui dire, qui devait sans douter chercher une solution pour que sa fille ne soit pas morte. Eleonore aimerait bien, elle donnerait tout pour que sa sœur n’ait pas tué Victoria, mais c’était impossible et il n’y avait rien à faire malheureusement. C’était impossible… Eleonore aimerait bien que ça soit le cas en effet, mais ça ne l’était pas. Quand Bertille lui demanda comment elle pouvait être sûr que c’était Victoria, elle aimerait ne pas être si sûre d’elle, avoir encore de l’espoir concernant la survie de Victoria, mais ce n’était pas le cas. Elle n’avait aucune envie de briser cette manière que Bertille avait de s’attacher encore à un espoir, de ne pas tout simplement réaliser que sa fille était morte et que c’était terminé. Sauf qu’elle ne pouvait pas la laisser espérer plus. Elle avait une information que Bertille n’avait pas, il était hors de question qu’elle la garde pour elle, même si c’était l’un des pires moments qu’elle devait supporter.

« Je… » Sa voix vrilla, elle prit la peine d’inspirer dans le but de pouvoir réussir à vraiment dire ce qu’elle avait à dire. Les larmes montèrent dans ses yeux, alors qu’elle repensait à ce moment. « Je l’ai vu. J’ai vu… j’ai vu son corps. Je l’aurais reconnu entre mille… »

Parce que c’était Victoria, sa petite sœur, l’une des personnes des plus importantes dans sa vie. Et elle l’avait vu, sur cette île, elle avait vu le corps de sa petite sœur morte. Réalisant par conséquent qu’elle n’était pas en train de vivre une vie parfaite et heureuse au-delà de l’océan. L’une des premières révélations qu’elle avait eu et loin d’être l’une des dernières, le royaume du bout de l’océan n’était pas un havre de paix, qu’on ne pouvait même pas s’y rendre à la base (avant que la barrière ne disparaisse), que ce n’était qu’une excuse pour justifier les personnes qui… disparaissaient. Et le pire était encore la manière dont Victoria était morte, mais elle était incapable d’en parler.

« Je suis tellement désolée… »

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A la recherche du chaperon rouge

B

ertille avait du mal à respirer, elle avait l'impression que cette nouvelle l'avait coupée de tout oxygène. Elle avait les larmes aux yeux, le coeur brisé, le sentiment qu'il ne serait plus jamais capable de battre, qu'elle n'arriverait jamais à reprendre son souffle. Tout son être luttait contre cette idée atroce, l'idée de peut-être ne jamais revoir sa fille. Et après tout, en effet, pourquoi croirait-elle cette fille qui lui annonçait les choses les plus horribles qui existent et qui refusait de lui dire quoi que ce soit sur elle. Cette fille connaissait Nathaniel, elle connaissait Victoria. Elle en savait définitivement trop, et ce n'était pas clair. Pas clair du tout.

Bertille n'avait toujours pas la moindre idée de qui elle était, de pourquoi elle avait l'air de si bien connaître son histoire... Et le pire, c'était ce qui suivait. Elle avait vu son corps. Comment ? Quand ? Où ? Dans quel état ? Elle se posait des milliards de questions. Elle avait peur des réponses, et en même temps, elle avait besoin de les entendre... mais même si son interlocutrice devait accepter de lui répondre, est-ce qu'elle accepterait de la croire, cette fois ? Elle n'en savait absolument rien... Elle avait besoin de preuves, elle ne pouvait pas se contenter de simplement, de ces mots qui la détruisaient complètement. Cette fille pouvait bien être désolée, ça n'y changeait rien. Elle lui disait être désolée. Eh bien, ça lui était égal en cet instant. Le monde pourrait bien être désolé, ça lui était bien égal, au fond. Elle était brisée, détruite. Elle l'était depuis longtemps, mais elle venait de perdre cette petite part d'elle-même qui la poussait à faire front, à ne pas entièrement se perdre...

-Je veux la voir, déclara-t-elle alors. Où est-ce qu'elle est ?

Elle voulait savoir beaucoup d'autres choses, mais elle commençait par là. Oui, elle voulait comprendre pourquoi cette fille avait l'air de si bien connaître Victoria, oui, elle voulait savoir dans quelles circonstances elle avait pu voir le cadavre de son enfant. Mais d'abord, elle voulait s'assurer qu'on ne se jouait pas d'elle. S'il y avait un corps, alors ça voulait peut-être dire qu'il y avait eu un enterrement. Il devait y avoir une tombe, quelque part, au nom de sa fille ? Sans doute un endroit où il serait dangereux pour elle de se rendre, mais elle ne pourrait pas s'en moquer davantage en cet instant, pour tout dire. Il n'y avait définitivement plus aucun risque qu'elle craignait encore de prendre à l'heure actuelle. La seule chose qui la dissuadait de se foutre en l'air, c'était le vague espoir de revoir sa fille, l'envie d'aider Nathaniel, sa promesse envers Orchide. Et c'était absolument tout. Le reste n'avait définitivement plus la moindre importance.

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Nathaniel & Eleonore

A la recherche du chaperon rouge .

Eleonore n’arrivait pas à croire encore dans quelle situation elle avait réussi à se mettre. Elle se trouvait devant Bertille, la fille de Edgar, la mère de Victoria. Et elle devait surtout lui annoncer que sa fille était morte. La jeune femme ne se remettait déjà pas de la mort de sa jeune sœur, mais l’annoncer comme ça, ça ne faisait que ressasser tous ces sentiments, toutes cette douleur. Et le pire, dans tout cela, c’était que c’était de la faute de Anna si Victoria était morte. Bien sûr, cela venait à la base de Edgar, mais la jeune femme ne parvenait toujours pas à comprendre que sa sœur en soit arrivée à un tel point, tout ça pour devenir la princesse. Mais ils ne pouvaient de toute façon pas revenir là-dessus.

Elle devait annoncer à Bertille que Victoria était morte et lui dire qu’elle avait vu son corps, pour qu’elle la croit. Clairement, la jeune femme aurait bien aimé ne pas avoir besoin de lui annoncer une telle chose, elle aurait bien amé ne pas avoir besoin de revenir sur ce sujet. Elle fut incapable de savoir quoi dire, elle savait affirmé à Bertille qu’elle était désolée, mais en soit elle se doutait que ça n’allait pas changer grand-chose. Dans tous les cas, la jeune femme lui demanda de voir Victoria. Non, elle ne lui demanda de la voir, elle lui affirma qu’elle voulait la voir en lui demandant où elle se trouvait. Eleonore ne savait pas quoi répondre, elle n’avait pas envie de lui mentir, mais en même temps elle ne pensait pas que ça soit une bonne idée que Bertille se rende sur l’île. Elle hésita, mais elle fut incapable de mentir de toute façon.

« Elle se trouve sur une île… » Dit-elle, ne sachant vraiment pas où elle était en train de se rendre. Mais sachant par contre que ce moment était le pire qu’elle vivait. « L’île des soupirs, c’est un endroit où toutes les personnes dérangeantes ont été envoyé. Mais on a réussi à se libérer. » Pour ceux qui étaient vivants donc. « Il y a un cimetière. » Et elle se sentit pâlir en repensant au corps de sa jeune sœur qu’elle avait vu dans la terre, découvrant donc une partie de la vérité sur ce monde. Le début d’une longue descente en enfer. « Mais c’est dangereux de s’y rendre. »

Elle s’y était déjà rendu depuis qu’elle avait réussir à s’enfuir, alors elle ne pouvait pas forcément empêcher Bertille de s’y rendre. Cela dit, elle se devait quand même de la prévenir que c’était dangereux et clairement, elle ne pensait pas que ça soit une bonne idée qu’elle aille voir Victoria. De son côté, la jeune femme se serait bien épargnée de voir le corps de sa sœur. Cela dit, elle n’aurait peut-être pas cru à sa mort si elle ne l’avait pas vu comme ça, elle n’aurait pas pu s’empêcher de continuer d’espérer.

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A la recherche du chaperon rouge

L

e corps de Victoria ? Sur une île ? Elle n'était pas sûre de tout comprendre, mais elle avait bien compris qu'elle allait devoir s'y faire. C'est comme si elle avait vécu entre parenthèses depuis son évasion de la tour. Les événements s'étaient succédés, mais elle avait fait du surplace, elle avait grandi à l'écart du monde, et maintenant qu'elle choisissait d'y revenait, elle était tout simplement... déconnectée, et elle avait bien du mal à tout comprendre. Elle regrettait de s'être à ce point fermée à la réalité, elle reconnaissait sans mal que ça avait été une erreur de sa part. Et qu'elle en faisait les frais à présent. Si elle avait été plus présente, plus attentive, elle aurait su, elle aurait pu empêcher la mort de Victoria, qui sait, ou bien l'emprisonnement de Nathaniel. Mais elle n'avait été capable de rien, et aujourd'hui, elle découvrait l'ampleur de son erreur.

L'île en question s'appelait donc l'île des soupirs, un nom qui était tout sauf encourageant, c'était rien de le dire. La jeune femme frissonna rien qu'à l'évocation de ce nom. Nul besoin des explications de son interlocutrice pour deviner à partir de ce qu'elle lui avait déjà dit : c'était sur cette île que Nathaniel avait été prisonnier, c'était de cette île que la jeune femme avait aidé tous les prisonniers à s'échapper, c'était sur cette île que Victoria était enterrée. Au moins, elle semblait avoir une tombe à son nom... puisque la jeune femme lui assura qu'il y avait un cimetière. Peut-être avait-elle au moins eu un enterrement digne... Mais à quel moment son interlocutrice avait-elle eu l'occasion de voir son corps alors ? Plus elle en apprenait, moins elle comprenait, et c'était terriblement frustrant. D'autant plus qu'elle avait vraiment le sentiment que, de son côté, son interlocutrice savait absolument tout. Elle était loin de réaliser que la jeune femme était généralement celle qui se posait tant de questions, et celle à qui on refusait de répondre convenablement.

-Je me fiche totalement du danger, répliqua Bertille, presque vexée qu'on puisse supposer que la probabilité d'un danger quelconque puisse véritablement la dissuader de retrouver sa fille. Mais après tout, cette fille ne la connaissait pas, elle ne pouvait s'imaginer qu'elle serait bien capable de traverser tout l'océan à la nage si à la clé, elle pouvait espérer retrouver Victoria. Je veux juste savoir comment y aller. Elle marqua une pause. Tu ne comptes vraiment pas me dire qui tu es ?

Elle avait pris beaucoup de risques de son côté en se présentant sous son vrai nom. Alors certes, elle en avait appris beaucoup : qu'elle devait épouser Gabriel, qu'elle s'était enfuie, qu'on l'avait envoyée sur cette île, qu'elle y avait rencontré Nathaniel et qu'elle l'avait aidé à s'échapper. Mais elle ne connaissait pas son nom, ni les raisons qui faisaient qu'elle avait l'air de bien connaître si bien Victoria.

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Nathaniel & Eleonore

A la recherche du chaperon rouge .

Bertille semblait vexée par les paroles de Eleonore, mais celle-ci n’en avait que faire au fond de la vexer. Elle se contentait simplement de dire ce qu’il en était, l’île des soupirs était dangereuse et ce n’était clairement pas une bonne idée de s’y rendre. Oh, la jeune femme avait déjà eu l’occasion d’y retourner depuis son évasion, mais elle savait à quel point c’était dangereux. Edgar ne devait pas s’imaginer qu’ils allaient y retourner, il y avait peu de chance qu’il se dise qu’il allait pouvoir les retrouver sur cette île, mais ça n’enlevait pas le danger. Dans tous les cas, Eleonore se disait qu’elle devait prévenir Bertille, même si elle savait qu’elle ne pourrait pas l’empêcher de s’y rendre pour y trouver Victoria. Elle ne savait même pas si elle pourrait la retrouver, la voir comme Eleonore l’avait vu. Ce moment horrible où elle s’était rendue compte que le départ de sa petite sœur était un mensonge comme tout le reste… comme toute sa vie en somme.

Bertille voulait simplement savoir comment s’y rendre donc, Eleonore ne savait pas si elle devait le lui expliquer ou non, mais en même temps elle n’avait pas non plus de raison de lui refuser ces explications. Dans tous les cas, Bertille lui demanda rapidement après si elle ne comptait vraiment pas lui dire qui elle était. Eleonore n’était pas forcément rentrée dans les détails, mais elle trouvait qu’elle avait quand même beaucoup dit sur sa vie. Elle avait parlé de la prison, elle avait parlé de Nathaniel, elle avait parlé de Victoria (en quelque sorte), elle avait parlé de son mariage avec Gabriel… en soit, il n’y avait pas grand-chose à dire de plus. Elle n’avait pas dit son nom, cela dit elle ne se disait pas que c’était un détail si important que ça. Mais forcément, découvrir que Bertille était la mère de Victoria, qu’elle était encore en vie, peut-être qu’elle pouvait prendre la peine d’en dire plus.

« Je m’appelle Eleonore. » La jeune femme marqua une pause. « Officiellement, Eleonore est la femme de Gabriel, mais c’est ma sœur Anna. Alors sans doute que tout le monde doit m’appeler Anna là-bas. » Elle imaginait ses parents parler d’elle en utilisant le prénom de sa sœur… ou alors, ils ne parlaient pas d’elle du tout, c’était aussi fort possible. « Je ne suis… je n’étais personne. » C’était ce qu’elle avait cru pendant des années, elle avait une vie simple et heureuse en apparence avec ses deux parents et ses deux sœurs. Elle n’avait pas été au comble du bonheur non plus, mais elle n’avait clairement pas été malheureuse. Parce qu’elle ne s’était pas doutée pendant très longtemps de ce qui se tramait dans l’ombre. « Nous n’étions personnes… jusqu’à ce que Edgar cherche une famille pour Victoria. Je n’ai appris que récemment qu’elle n’était pas vraiment ma sœur. » Elle ne devrait sans doute pas le dire, mais elle se disait que Bertille méritait la vérité. De son côté, elle aurait aimé la connaître plus tôt. « Avant de découvrir qu’elle n’était que l’objet d’un accord entre ma famille et le roi. En échange d’accueillir Victoria chez nous, mes parents avaient l’assurance que soit ma sœur, soit moi épouserait le prince. »

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A la recherche du chaperon rouge

E

leonore... Bertille connaissait ce nom. En même temps, ce nom devait être connu dans tout Féerie, à présent. La jeune femme avait beau s'être tenue à distance de Piquiiel et des Basiel un long moment, elle avait tendu l'oreille, dans l'espoir de pouvoir récupérer la moindre information qui lui garantirait que sa fille allait bien et qu'elle était en sécurité. Dans l'espoir également d'avoir des nouvelles de son frère. Alors, évidemment, elle avait entendu parler d'Eleonore, la femme de Gabriel... Mais c'était visiblement plus compliqué que cela. Cette jeune femme n'était pas l'épouse de Gabriel, mais son nom était bien Eleonore. Elle avait échangé sa place avec sa soeur jumelle... de telles manigances ressemblaient tant à son père que Bertille ne réussissait même pas à se sentir surprise par ce qu'elle entendait. Au mieux un peu plus dégoutée par Edgar qu'elle ne l'était déjà, ce qui ne signifiait plus grand-chose à ce stade de dégoût profond et manifeste.

Tous les morceaux du puzzle étaient réunis, à présent. Bertille savait que Victoria n'avait pas grandi au château, elle savait qu'elle n'avait pas été élevé par son père ou par la nouvelle femme du roi. Elle savait qu'il s'en était débarrassé presque aussitôt qu'elle était née. C'était Anthony qui le lui avait appris, quand il venait encore la trouvait dans sa tour, avant de ne plus venir du tout. Bertille avait été soulagée de savoir que sa fille ne grandirait pas dans le sillage de son pervers de géniteur, et Anthony lui avait garanti autrefois que la famille adoptive de Victoria, les Odien, des gens de la terre, prendraient bien soin de sa fille. Elle n'était pas sûre de le croire, même maintenant. Surtout alors qu'elle comprenait qu'ils ne s'en étaient occupés que dans l'espoir de marier un jour une de leurs filles biologiques.

Beaucoup d'informations se bousculaient dans son esprit, mais elle comprenait mieux, à présent, notamment l'implication manifeste de cette jeune femme dans sa propre histoire. Elles ne se connaissaient pas jusqu'alors, et peut-être auraient-elles pu ne jamais se croiser de toute leurs vies, et pourtant, leurs destins étaient irrémédiablement liés. Elle ne fit aucun commentaire sur les manigances de son père. A quoi bon. Edgar Basiel était un ignoble salaud et un manipulateur. Elles le savaient toutes les deux. Elle ne retenait qu'une chose. La seule chose qu'elle voulait retenir.

-Comment était-elle ? Avant sa disparition ? Elle était heureuse ?

Quel était son caractère ? A quoi ressemblait-elle, quel genre d'enfant était-elle ? Elle voulait tout savoir. Eleonore n'avait pas eu la vie facile, c'était évident, mais la vie lui avait fait don, un temps, de ce que Bertille avait désiré par-dessus tout. Elle avait vu Victoria grandir, vivre, être elle-même. Tout ce à quoi Bertille n'avait jamais assisté. Et ne verrait jamais.

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Nathaniel & Eleonore

A la recherche du chaperon rouge .

C’était bizarre pour Eleonore de se dire qu’elle était en train de raconter tout cela à la mère de Victoria, à Bertille la fille de Edgar. C’était rare qu’elle se trouve dans la position où c’était elle qui avait les réponses et où elle répondait aux questions d’une personne. Pourtant, là, c’était bel et bien elle qui en savait plus sur Victoria, qui connaissait son sort et qui pouvait aiguiller son interlocutrice. Et c’était étrange de raconter son histoire comme cela, une histoire que Eleonore ne connaissait au final que depuis peu. Elle avait bien sûr connu Victoria depuis toujours, mais c’était récent qu’elle découvre qu’elle n’était pas réellement sa sœur. C’était récent, elle ne connaissait tout cela que depuis peu et elle se retrouvait à l’apprendre à quelqu’un de but en blanc.

Ses parents qui passaient un pacte avec le souverain pour garder Victoria en échange d’un mariage princier. Victoria qui grandissait dans le secret, sans qu’on ne puisse se douter une seule seconde qu’elle était la fille de Bertille, la fille du roi (et donc la petite fille du roi – enfin, en théorie, mais il y avait quand même des choses que Eleonore ignorait). Avant que finalement Anna soit le coup de fin de la vie de sa sœur. Elle n’avait pas pris la peine de raconter ce qu’elle savait sur la mort de Victoria, elle ne voulait pas en parler à Bertille. Au fond d’elle, Eleonore culpabilisait un peu de garder ça pour elle, mais elle ne pensait pas que ça pourrait réellement aider Bertille et… elle ne se sentait pas la force de lui dire que celle qui avait tué sa fille n’était autre qu’une de ses « sœurs ». Eleonore n’aurait pas apprécié qu’on lui cache une telle information, elle n’avait pas supporté qu’on ne lui dise pas la vérité, mais elle se rendait compte que c’était plus difficile qu’elle ne le pensait.

« Elle était… » Comment elle était, il y avait tellement de chose à dire. « Elle était heureuse oui. » Eleonore n’était pas réellement certaine que la jeune femme sous ses yeux ait vraiment besoin de savoir tout cela, mais elle comprenait sa demande. À sa place, il était fort possible qu’elle aurait posé la même question. « Je l’aimais tellement… elle me manque. » Elle n’avait aucune raison de se plaindre, parce qu’elle n’avait en soit pas de légitimité sans doute de l’aimer, mais c’était le cas. « Elle était tellement différente de moi et ma sœur, elle apportait beaucoup de joie dans la maison. Et depuis qu’elle a disparu c’est comme si nous étions tous… brisé. »

Anna aussi ? Oui, clairement Anna aussi. Eleonore ne compatissait pas au sort de sa jumelle, mais en soit elle parvenait aussi à se dire qu’elle avait été brisé par tout cela. Pour en arriver à ce qu’elle avait fait de toute façon, il fallait qu’elle soit brisée et maintenant elle devait vivre avec la mort de sa sœur sur la conscience. Eleonore n’enviait ça à personne.

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A la recherche du chaperon rouge

I

l serait peut-être plus simple de ne rien savoir du tout de Victoria, de se contenter de l'information la plus cruelle, d'admettre qu'elle était morte et de fermer définitivement la porte sur cette période de sa vie qui semblait pourtant être sa vie entière. Comment un être qu'elle n'avait jamais vraiment connu, qu'elle avait à peine eu l'occasion de prendre dans ses bras, pouvait avoir tant d'importance pour elle ? C'était absurde, quand on y pensait. Victoria, elle, n'avait pas eu besoin de sa mère. Elle en avait une autre, un autre qui, apparemment, avait su la rendre heureuse... pas suffisamment longtemps, mais heureuse quand même, et évidemment, Bertille était soulagée d'entendre au moins cela, même si il avait le coeur serré malgré tout... Tous ces moments de joie auxquels elle n'aurait pas assisté. Peut-être que ça valait mieux ? Si elle avait pu la retrouver plus tôt, quelle vie aurait-elle eu à lui offrir de son côté ? Une vie plus longue peut-être...

C'était douloureux pour Bertille d'entendre Eleonore affirmer que Victoria lui manquait, qu'elle l'avait tant aimée. Cette femme, cette étrangère, avait tout ce que Bertille avait définitivement perdu. Elle était aimée de tous ceux que Bertille aimait elle-même sans vraiment plus espérer de réciproque : Victoria, Gabriel, Nathaniel... C'était comme se regarder dans un miroir déformé. Eleonore devait trouver sa vie terrible, et pourtant, la jeune femme donnerait tout pour être dans sa peau, rien qu'un instant, juste une fraction de seconde... Mais elle ne pouvait pas vraiment lui en vouloir. Jalouse, oui, pas en colère.

-Je regrette..., répondit-elle doucement. Je suis contente de savoir qu'au moins elle a été... aimée...

Ce qui ne serait pas arrivée si Edgar avait décidé de la faire garder au château plutôt que de la confier à un couple de paysans, comme il l'avait fait avec elle, la princesse maudite. Edgar l'avait privée de tout, mais il n'avait pas réussi à mettre la main sur cette innocence-là. L'innocence de sa petite-fille. De sa fille.

-Est-ce que... Elle hésita un instant. Si elle s'écoutait, elle poserait encore un millier de questions au sujet de sa fille, mais elle ne s'en sentait plus la force. A l'évocation de Victoria, c'est comme si on noyait son coeur, elle n'y arrivait tout simplement plus. Alors elle décidait de changer entièrement de sujet. Est-ce que je pourrais t'aider ? A retrouver Nathaniel ? On aura plus de chances d'y arriver à plusieurs et je n'ai... enfin, je n'ai plus grand-chose à perdre.

Même si elle s'engageait trop vite au mépris d'une autre promesse, celle faite à Orchide, de l'aider à retrouver l'assassin de ses soeurs. Quitte à traverser l'océan, même si ça n'avait plus aucun sens.

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Nathaniel & Eleonore

A la recherche du chaperon rouge .

Eleonore devait bien avouer qu’elle se sentait un peu mal à l’aise par le fait d’entendre Bertille affirmer qu’elle regrettait d’apprendre que Victoria lui manquait, et qu’elle était heureuse qu’elle ait au moins été aimé avant de mourir. C’était particulier comme sensation, comme conversation tout simplement. Eleonore se retrouvait devant Bertille qui s’avérait être la mère de Victoria (et une trop jeune mère), et elle lui parlait de la souffrance qu’elle ressentait de l’avoir perdu. Alors que Bertille l’avait perdu avant et qu’elle n’avait pas eu la chance de pouvoir voire sa fille grandir. Mais Eleonore ne pouvait pas faire comme si Victoria ne comptait pas pour elle. Même si aujourd’hui elle savait qu’elles n’avaient pas le même sang, Victoria restait sa sœur quand même. Elle la considérait plus comme une sœur que celle qui avait partagé le ventre de sa mère avec elle.

La jeune femme se sentait donc mal à l’aise, mais elle décida de ne rien répondre aux propos de Bertille. Il n’y avait pas grand-chose à ajouter de toute façon, dans le fait que Victoria avait été aimé avant de mourir. En dehors du fait qu’elle n’aurait jamais du mourir aussi jeune, mais ce n’était pas comme si elles pouvaient y faire quoi que ce soit maintenant. Bertille reprit la parole dans tous les cas, semblant hésiter sur ce qu’elle avait l’intention de demander. Eleonore attendit simplement qu’elle lui dise ce qu’elle avait sur le cœur, s’attendant à de nouvelle question au sujet de sa sœur. Mais non. Bertille lui proposa son aide. Elle souhaitait l’aider à retrouver Nathaniel, en précisant qu’elles auraient plus de chance à plusieurs. Eleonore avait envie de dire qu’elle était loin d’être seule de son côté, mais en vérité elle doutait du fait que les autres membres de son groupe aient réellement envie de retrouver Nathaniel. Bertille, au moins, elle donnait vraiment le sentiment de tenir au « jeune » homme.

« Je pense que… » Eleonore marqua une pause, hésitant un peu. Elle ne savait rien au final de Bertille. Elle savait ce qu’elle avait entendu d’elle, ce qu’elle venait de lui dire. Mais au final, ce n’était pas grand-chose et il était évident qu’elle ne pouvait pas vraiment faire confiance à tout ce qu’elle savait. Qu’elle ne pouvait pas faire confiance à n’importe qui. « Je pense que nous ne serons jamais trop pour l’aider. » Affirma-t-elle. En effet, ils ne seraient pas trop et sans doute qu’elles seraient bien deux. Elle, plus une autre personne, c’était déjà bien dirons-nous. Mais Eleonore n’avait pas envie de juste se contenter d’accepter. « Tu…. tu tiens vraiment à lui ? u… ne lui reproches rien ? »

Eleonore était bien placée pour savoir que Nathaniel avait quand même le don de se faire des ennemis. Bertille lui avait dit le contraire précédemment mais elle ne savait pas si elle pouvait réellement juste la croire sur parole. Beaucoup pouvait avoir envie de se venger du « jeune » homme, alors elle devait surement se montrer prudente.

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Messages : 444 Date d'inscription : 08/03/2019

A la recherche du chaperon rouge

E

leonore avait l'air d'hésiter, et Bertille pouvait difficilement lui en tenir rigueur, en réalité. Elle s'épargnerait bien la défiance de son interlocutrice, mais elle pouvait bien admettre qu'elle était légitime. Elles ne se connaissaient pas, après tout, et quand bien même leurs histoires respectives étaient intimement liées, elles n'étaient jamais que deux étrangères l'une pour l'autre, qui se trouvaient des intérêts communs... mais est-ce que ces intérêts communs étaient bien réels. Elles avaient appris à se méfier, la vie le leur avait appris, et ce n'était pas une leçon superflue ou vaine, elles avaient tout intérêt à se méfier effectivement, car elles ne pouvaient pas vraiment savoir ce qui allait les attendre par la suite... ni si en se tournant vers l'autre, elles ne commettaient pas une erreur stratégique. Mais l'erreur stratégique pourrait aussi être d'agir chacune dans leur coin, et ce pourrait être tout aussi dommageable pour elles en fin de compte. Alors elles devaient essayer de s'apprivoiser, et d'accepter d'unir leurs forces. Bertille était quasiment sûre qu'Eleonore voulait faire libérer Nathaniel, alors...

Au fond, c'était bon signe qu'elle l'interroge, qu'elle se pose des questions. Bertille n'avait pas envie de s'associer à une jeune fille qui serait née de la dernière pluie et serait capable de voir des alliés chez n'importe qui qui ne méritaient pourtant pas d'être considérés comme tels. Eleonore s'inquiétait des reproches qu'elle pourrait avoir à faire à Nathaniel... et c'était assez caractéristique du personnage, même Bertille, qui l'avait connu à l'âge de la naïveté la plus absolue, savait qu'il n'était pas blanc comme neige, savait qu'il pouvait avoir plusieurs visages, comprenait qu'il avait des ennemis. Mais Bertille pensait avoir connu de Nathaniel ce qu'il y avait de meilleur en lui, une part à laquelle très peu d'autres avaient sans doute accédé, et elle voulait croire que, en dépit des décennies écoulées, c'était quelque chose de toujours présent, de toujours tangible : c'était bel et bien là, ça n'avait pas disparu, et ça ne disparaîtrait pas...

-Sans lui, ma vie aurait été... Bertille chercha ses mots, ne les trouva pas, formula les choses autrement. Sans lui, je n'aurais pas eu de vie du tout. Elle marqua une pause. Peut-être qu'il ne t'en as même pas parlé, au fond. Mais il a fait beaucoup pour moi.

Grâce à lui, elle avait eu une enfance en partie heureuse, grâce à lui, elle avait eu des rêves, des espoirs, des éclats de rire. Elle lui devait les meilleurs moments de sa vie avant que Bertille ne rencontre Orchide.

-Je lui dois énormément. Je peux te promettre que tous les reproches qu'on pourra lui faire au monde ne changera jamais rien à ça. Je lui suis redevable à vie.

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