La curiosité est un vilain défaut | Nathaniel & Aurore

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ette cage était en soi plus grande et plus confortable que celle qu'il avait occupée pendant près de deux décennies sur l'île des Soupirs, c'était toujours ça de gagné, de même que des années et des années d'enfermement l'avaient habitué à la solitude, à l'isolement, au froid, à l'inconfort, à la faim, à l'obscurité. Mais même s'il était séquestré là depuis bien moins longtemps, il éprouvait bien plus de frustration à être ici, et une impatience terrible. Sitôt qu'on avait retrouvé la liberté, il s'avère que s'il fallait du temps pour se défaire de ses réflexes liés à l'enfermement, on se réhabituait très, très vite à la liberté. Peut-être trop vite, même... si bien qu'on oubliait rapidement de la savourer. Et pourtant, cette liberté, Nathaniel l'aimait passionnément.

Alors oui, il était plus frustrant de revenir à la case départ, et même si sa cellule était techniquement plus grande, il faut dire également que les traitements qui lui y étaient infligés étaient autrement plus insupportables. Edgar prenait un malin plaisir à le faire torturer, et si dans un premier temps il avait peut-être escompté en tirer l'une ou l'autre information, il devenait assez évident qu'il ne le faisait plus que pour le plaisir de voir son vieille ami souffrir. Oui, Nathaniel avait attendu, espéré ses retrouvailles avec Edgar, et même si elles ne l'avaient pas avantagé, il les appréciait toujours... C'était le reste qui était insupportable. Anthony ne pouvait pas se permettre de venir le voir trop souvent... il y en avait suffisamment pour douter de lui pour ne pas ajouter aux soupçons, et dans l'attente, il n'y avait plus que des incertitudes quant à la suite... Et le prisonnier brûlait d'impatience. Toutes les pièces étaient disposées sur l'échiquier, les directives étaient données, son plan de vengeance pouvait fonctionner même sans lui. Mais fallait-il qu'il progresse. Et il n'était pas là pour le voir progresser.

Et lui ne pouvait que ruminer et attendre que le temps passe. Fort heureusement, le hasard et les circonstances lui offraient parfois l'un ou l'autre divertissement providentiel. Et ce fut le cas en cet instant, alors qu'il entendit des pas se rapprocher... une démarche qui ne lui était pas familière. Et en effet... Assis dans sa cellule, il leva les yeux et pensa comprendre de qui il s'agissait. Une femme qui était dans la bonne tranche d'âge, et quelque chose dans les yeux, la forme du visage, qui lui faisait naturellement penser à Gabriel. Enfin, il rencontrait Aurore Basiel. Un sourire se déposa sur ses lèvres (car oui, quand il n'était pas seul, il ne souriait pas forcément). Il se releva pour la regarder de plus près.

-En chair martyrisée et en os brisés, pour vous servir, ma reine. A son tour, il se permit de la dévisager sans aucune forme de respect que l'on devrait sans doute avoir pour ses souverains. Enfin je vous rencontre. J'admets que j'étais curieux de faire votre connaissance.

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n nouveau sourire (pour changer) décora les lèvres de Nathaniel en entendant la reine affirmer qu'il lui semblait bien plus jeune que ce qu'elle s'était imaginée. C'était une réflexion qu'il récoltait très souvent de la part de ceux qui l'avaient connu autrefois la première fois qu'ils le retrouvaient, c'était une réflexion qu'il ne s'étonnait pas de recueillir de la part de cette femme qui, face à un ennemi qui devrait avoir l'âge de son époux ou un peu moins (un peu moins en l'occurrence) semblait nettement plus jeune que ce dernier.

-Dans le cas contraire, j'aurais été très inquiet, répondit Nathaniel d'un ton amusé. Il avait beaucoup sacrifié, consciemment ou non, pour cette apparence qui ne vieillissait pas et ne vieillirait jamais, il aurait été regrettable, vraiment, que la différence ne soit pas visible, même si cet artifice exigé il y a maintenant une éternité paraissait bien superficiel à Nathaniel au regard de tout ce qui s'était passé depuis. Je me serais attendu à ce que votre mari vous en ai parlé.

Parce qu'il avait envie, quelque part, qu'Edgar parle de lui. Il l'avait cherché, il ne s'en cachait pas vraiment, à être au coeur de toutes les considérations du roi, tout au long de sa fugue et encore maintenant. Il voulait demeurer une préoccupation certaine à ses yeux, jusqu'à ce que la lame tranchante de la Justice ne s'abatte sur lui et ne le découronne.

-Vous devez avoir beaucoup de questions, n'est-ce pas ? ajouta-t-il, devinant plus qu'il ne pouvait en être certain, mais au regard de la situation, c'était après tout logique.

Sans cela, elle ne serait pas venue le voir. Nathaniel appartenait à cette vie qu'Edgar avait vécue avant de la rencontrer, elle, il avait été peut-être le témoin le plus privilégié de la vie de son époux avant que ce dernier ne change radicalement de vie, justement. Et elle devait bel et bien le savoir.

-Allez-y, je vous écoute, j'ai tout mon temps.

Ah ça, pour en avoir, il en avait. Trop, même, sans doute, même s'il espérait ne pas devoir supporter trop longuement non plus l'étroitesse de cette cellule qui, certes, ressemblerait presque à un palace en comparaison de sa cage de l'île des Soupirs mais n'en était pas moins un endroit dans lequel il n'avait pas la moindre intention de demeurer plus que nécessaire. Surtout pas.

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athaniel adressa à la reine un sourire surpris quand il entendit la question que cette dernière décida de lui poser en premier lieu. Oh, il se doutait qu'il y en aurait beaucoup d'autres, ça ne faisait même aucun doute, mais à vrai dire, si c'était une question à laquelle il s'était aisément attendue de la part d'Edgar, qui ne pourrait que savourer sa victoire vis-à-vis de lui, il n'avait pas attendu la même chose de la part de son épouse - en même temps, il avait tiré beaucoup de plans sur la comète : après tout, il ne la connaissait pas vraiment, il s'en était fait une image mentale sans pouvoir être certain qu'elle corresponde à quoi que ce soit, qui plus est influencé par le souvenir d'Esther, l'épouse qui avait précédé Aurore.

Nathaniel, donc, ne s'était effectivement pas attendu à cela, parce qu'il ne s'imaginait pas que la reine puisse véritablement jubiler face au sort de celui qui à ses yeux devait être un presque-inconnu. Certes, il se doutait qu'Edgar lui avait parlé de lui (mais qu'avait-il accepté de lui dire ou non à son sujet, ça c'était autre chose), c'était même évident, et qu'elle devait être heureuse de voir l'épine qu'il représentait être enfin retirée du pied de son cher et tendre, mais il l'aurait davantage vu s'enquérir de ce passé commun qu'ils partageaient, Edgar à lui, qu'elle devait connaître en substance bien sûr, peut-être même dans certains détails, mais qu'elle ne pouvait pas connaître parfaitement malgré tout, d'une part parce qu'elle n'était pas présente pour le voir de ses propres yeux, d'autre part parce qu'Edgar avait toujours eu un talent manifeste pour arranger la vérité à sa sauce, et qu'Aurore, pour vivre avec lui au quotidien et faire partie des personnes qui le connaissaient le mieux (avec Nathaniel - oui oui, il estimait compter toujours dans cette liste même après deux décennies), le savait forcément. Mais soit, si elle voulait commencer comme ça, peut-être dans l'intention de l'intimider, ça lui convenait très bien, en fin de compte. C'était au moins une manière de lui laisser entrevoir son caractère, et il comprenait mieux pourquoi Edgar l'avait choisi. Elle lui convenait très certainement mieux que sa précédente épouse.

-Oh l'avantage c'est que maintenant j'ai l'habitude, et cette cellule ressemblerait presque à un palace en comparaison de ma cage de l'île des Soupirs, répondit-il avec détachement. Vous y êtes déjà allée ? Je vous le conseille si ce n'est pas le cas, c'est... dépaysant.

Pourtant, ses conditions de vie étaient évidemment meilleures sur l'île des soupirs. Le froid, la faim et l'obscurité étaient constants, mais du moins ne subissait-il pas de tortures quotidiennes de la part de son vieil ami / ennemi.

-Pour ce qui est d'avoir perdu la partie, je crains, ma reine, que vous n'ayez pas véritablement conscience du jeu auquel nous jouons en ce moment même.

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athaniel n'était pas étonné d'entendre que son interlocutrice n'avait jamais mis les pieds sur l'île des soupirs, en même temps, il était convaincu qu'il aurait été au courant, dans le cas contraire. La visite de la reine en personne sur l'île n'aurait pas pu passer inaperçu, même depuis sa cellule. Quand le roi lui-même se rendait là-bas, et même s'il ne prenait jamais la peine de s'aventurer jusque devant sa cellule et même si c'était bien rare, l'ancien fugitif était toujours au courant, il voulait croire qu'il en serait de même s'il s'était agi d'Aurore. Mais non, elle n'avait jamais connu l'île des soupirs, et aux yeux de Nathaniel, ça expliquait des tas de choses.

Il ne pouvait que le présumer, mais il se demandait tout de même si son interlocutrice aurait été capable de la même insensibilité que son époux en découvrant les conditions de vie sur l'île. Peut-être que le sort d'hommes comme lui ne l'aurait pas touché outre mesure, mais celui d'enfants, de gamins innocents, abandonnés là par la cruauté de son époux, à l'instar de Daphnée ou de Victor, il doutait fort que cela aurait pu la laisser indifférente, d'autant qu'elle-même était mère, après tout, elle devait avoir cet instinct, ce genre d'instinct que lui ne possédait pas du tout, et dont il doutait assez, également, qu'Edgar dispose.

Pour ce qui était de lui faire remarquer qu'il s'était senti si dépaysé qu'il n'avait pu s'empêcher de revenir ici, sa remarque lui décocha un sourire. Il appréciait assez, pour tout dire qu'elle puisse soupçonner que sa situation soit le fruit de sa volonté. C'était faux, Nathaniel avait souvent un coup d'avance, mais il était aussi plus disposé que n'importe qui d'autre, par accès d'imprudence et d'impudence, de se laisser prendre au piège. C'était après, parfois, son talent de tirer profit des situations en apparence les plus désespérées, mais clairement, non, il n'avait pas voulu se retrouver ici... encore que, inconsciemment peut-être, afin de précipiter son face-à-face avec Aurore.

Bon, elle avait tout de même conscience du fait que, en effet, il ne se trouvait pas dans la meilleure situation qui soit, et Nathaniel pouvait difficilement le nier. Après, il s'était déjà retrouvé dans situation plus chaotique et s'en était sorti. Il avait des alliés à l'extérieur, et ça faisait évidemment toute la différence.

-Et que dit-on sur moi, exactement ? Je serais curieux de l'apprendre.

Que disait-on... Que disait Edgar, surtout, car il devait bien être le seul à lui avoir parlé de lui, et Nathaniel avait très envie de savoir ce que son "vieil ami" avait pu dire à sa chère et tendre épouse à son sujet.

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[size=13]hacun des adjectifs que la reine employait pour le caractériser avaient le pouvoir d'agrandir son sourire un peu plus à chaque mot prononcé, si cela était vraiment possible. Pourtant, c'était loin de n'être que des compliments que ce qu'elle lui rapportait, mais il savait interpréter même ceux qui n'en étaient pas comme bon lui semblait, car au final, ce qui importait surtout était le plaisir qu'il prenait à découvrir la nature de sa réputation. La manière dont on parlait de lui (et donc dont le roi parlait de lui, car il était le seul à pouvoir le faire, ou à autoriser qu'on le fasse) importait peu tant qu'on parlait de lui, après tout, et cela, c'était un plaisir qu'il accepterait de renouveler encore et encore.

Obstiné, il était évident qu'il l'était bel et bien. On ne pouvait survivre à près de deux décennies d'enfermement sur l'île des soupirs sans faire preuve d'une détermination à toute épreuve. Sans elle, il était évident que l'on cédait aux sirènes de la folie (encore qu'il était loin d'être sain d'esprit) et à l'appel des plus sombres projets pour soi-même.

Intelligent, il était du même avis, même si certains affirmeraient au regard de certains de ses plans qu'il était en fait d'une stupidité sans nom. Ne laissant pas toujours voir la logique et la cohérence de ses projets et de ses actes, on pouvait douter qu'il soit vraiment malin, mais qu'il fasse seulement semblant de l'être... mais intelligent, Nathaniel considérait l'être bel et bien.

Egocentrique, on quittait le champ des compliments, là, mais il l'acceptait, car il est vrai qu'il l'était bel et bien, il affirmerait par ailleurs qu'il avait appris cela auprès du meilleur... Il ne l'était pas, avant, égocentrique, ou moins, du moins... il s'était fait trahir en pensant agir au nom des autres, et c'est une erreur qu'il ne commettrait plus jamais.

Pour ce qui était d'avoir l'air joyeux en toute circonstance, il savait que cela était aussi agaçant que destabilisant pour ses interlocuteurs, il était par conséquent beaucoup trop tentant d'en jouer, et donc il ne s'en privait pas. Et pour ce qui était d'être bavard, c'était exactement pour les mêmes raisons qu'il avait tendance à l'être... et c'était parler, même sans raison, qui l'avait certainement préservé du poids du silence durant son emprisonnement.

-Je suis d'accord avec vous sur tous les points que vous avez soulevés sauf un, dit-il, toujours avec le sourire. Je suis bien des choses, et vous avez oublié quelques adjectifs, si vous voulez mon avis. Mais je ne suis pas malhonnête... Cela, c'est l'apanage de votre cher et tendre époux.

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[size=13]athaniel était une personnalité très égotique, par conséquent, l'on pourrait s'attendre à ce que, en le couvrant de reproches, on le heurte naturellement, en le blessant dans sa grande fierté, mais la vérité, c'était que Nathaniel avait ce don particulièrement désagréable de changer les défauts en qualité. Il savait déformer chaque reproche qui lui était fait pour en tirer parti et avantage. Bien sûr, c'était tout à fait insupportable à observer de l'extérieur, mais c'était une parade dont Nathaniel avait constaté l'efficacité depuis bien trop longtemps pour envisager de s'en passer.

Oui, Aurore aurait sans doute pu poursuivre longtemps la liste de ses défauts, car Nathaniel en possédait à foison et ne cherchait même pas à faire l'effort de s'en cacher, alors que d'aucuns admettraient que ce serait sans doute la moindre des choses... mais la liste avait été en fin de compte raisonnablement courte, trop courte pour Nathaniel qui voulait qu'Edgar le haïsse plus que cela. Il avait besoin que ce brave roi le déteste aussi intensément que Nathaniel le détestait lui-même, c'était pour lui de l'ordre de la plus impérieuse nécessité.

-Je ne manipule que ceux qui sont consentants à l'être, même s'ils n'en ont pas toujours conscience, corrigea Nathaniel d'un ton flagorneur, comme si ce qu'il affirmait devait faire le moindre sens à ses yeux. Et bien sûr que je jalouse votre époux, je devrais être stupide de ne pas le faire compte tenu de sa position et de la sienne, ajouta-t-elle sans se départir de son éternel sourire.

Bien sûr qu'il était jaloux de la place d'Edgar. Il l'avait tant convoitée... et pourtant, si étrange cela pouvait-il bien paraître, il ne convoitait pas cette même place, ou du moins ne la convoitait-il pas véritablement. Plus maintenant. Ses rêves de gloire et de pouvoir s'étaient transformés en rêves de vengeance, et Nathaniel ne vivait plus que par eux. Nathaniel voulait voir Edgar perdre absolument tout ce qu'il avait. Une fois que ce serait chose faite, une fois sa mission accomplie... Le reste ne comptait pas vraiment.

-Est-ce que votre cher et tendre époux vous en a parlé ? demanda-t-il en la jaugeant avec curiosité, s'interrogeant sur la mesure dans laquelle son interlocutrice pouvait avoir conscience des malversations et des manigances de son époux. De la manière dont il a obtenu son trône ?

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[size=13]athaniel rit de bon coeur à la réponse de son interlocutrice qui laissait clairement suggérer qu'Edgar avait servi à sa chère et tendre épouse des explications bien différentes de la réalité. A quoi s'attendre d'autre de la part de ce menteur invétéré qu'était le roi de Féerie. Aurore devait penser connaître toute l'histoire, mais à l'évidence, ce n'était pas le cas. Peut-être n'en connaissait-elle qu'une infime partie, peut-être n'en savait-elle, en fait, absolument rien du tout, c'était difficile à dire, à ce stade, mais ce dont Nathaniel était certain en tout cas, c'est qu'il allait prendre le plus malin des plaisirs à rétablir la vérité à présent.

-C'est ce qu'il vous a dit, vraiment ?

Bien sûr, il n'excluait pas le fait que ce soit elle qui cherche à le mener en bateau à l'heure actuelle - et si c'était le cas, elle le faisait particulièrement bien, car clairement, Nathaniel tombait largement dans le panneau, et avec un malin plaisir qui plus est... Il n'empêche que en cet instant, la reine lui donnait l'occasion de faire l'une des choses dont Nathaniel était le plus friand en ce bas monde : raconter une histoire - et il n'allait certainement pas s'en priver.

-J'avais l'occasion de le doubler si je le décidais, ce n'est pas ce que j'ai fait. Je n'avais pas l'intention de trahir votre mari.

C'était la vérité. Il s'était trouvé seul dans la grotte, avec l'opportunité de faire le voeu de réclamer le trône pour lui tout seul comme Edgar allait le faire quelques instants ensuite, et ce n'est pas ce qu'il avait fait. Certes, il avait bel et bien dérobé un voeu au génie pour son propre intérêt - personne n'est parfait - mais à aucun moment il n'avait eu l'intention de trahir Edgar... c'était bien le pire dans toute cette histoire. Nathaniel s'était senti prêt à suivre Edgar jusqu'au bout du monde, par loyauté fraternelle envers lui - et c'était assez littéralement ce qu'il avait fait, d'ailleurs, le tout pour un résultat des plus décevants.

-Ce qui nous a distingué n'est pas le fruit d'un manque de rapidité mais définitivement d'un manque de loyauté. La fidélité n'est pas nécessairement ce qui étouffe votre époux. A votre place, je me méfierais.

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[size=13]e sens de la repartie de la reine de Féerie était agréable à entendre. Le jeune homme (pas si jeune) ne pouvait s'empêcher de s'en amuser, ne serait-ce que parce qu'il avait vraiment le sentiment d'avoir face à lui une version féminine d'Edgar... Ce n'était pas une mauvaise chose, il fallait perobablement lui ressembler au moins un peu pour parvenir à le supporter... Mais le fugitif trouvait surtout cela particulièrement divertissant, car en fin de compte, même s'il appréciait de discuter avec son interlocutrice, il n'avait pas la prétention de se penser capable de lui retourner le cerveau. Il se contentait seulement de passer le temps et de s'amuser autant que possible d'une situation qu'il trouvait plutôt divertissante, en vérité.

-Bien sûr que vous devez vous méfier de tout ce que je dirais. Vous devriez remettre en question chaque mot qui sort de ma bouche, d'ailleurs, confirma Nathaniel avec son éternel sourire aux lèvres.

C'était une chose qu'il répétait souvent à ses interlocuteurs. Et pour cause, il adorait cultiver l'ambiguité, et surtout, l'un de ses grands combats était d'inviter tout un chacun à ne pas se contenter d'une vérité générale, qui semblait évidente de prime abord, mais qui n'avait l'air de rien, bien évidemment. Nathaniel, oui, n'attendait pas à ce qu'on le croie sur paroles, et il n'attendait pas ce qu'on fasse de ses propos une parole d'Evangile, mais il adorait, en revanche, semer le doute autant que faire se peut.

-Vous seriez bien stupide si vous ne le faisiez pas, et de ce que je vois de vous, il n'en est rien. Je gage même que vous devez être redoutablement intelligente. Il rit doucement. Qui sait, c'est peut-être ce cher roi qui devrait se méfier de vous ? Il marqua une pause. Moi aussi je suis loin d'être bête, même si j'en donne rarement l'air. Bien sûr que je ne dirais rien qui ne soit pas susceptible de m'arranger... Mais je peux plaider en ma propre faveur et être sincère malgré tout. Il haussa les épaules. Vous ne pourrez jamais en être tout à fait certaine...

Parce que, une fois de plus, il cultiverait le doute autant que nécessaire.

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un de ses proverbiaux sourires aux lèvres, Nathaniel fixait Aurore avec la plus grande des attentions. Il se retint d'affirmer qu'elle avait tout à fait raison de ne pas le penser idiot. Nathaniel ne l'était pas. Il aimait, bien souvent, se faire passer pour inconséquent ou naïf. Il brouillait les pistes de son propre intellect, mais il appréciait de passer pour ne serait-ce qu'un peu intelligent aux yeux de l'épouse d'Edgar. Car quand on estimait quelqu'un intelligent, on l'estimait redoutable, et le prisonnier voulait qu'elle le redoute. Parce qu'elle voulait, par extension, que ce cher Edgar le redoute également.

Aurore affirmait que tout ceci n'était qu'une question de discernement ou de choix, plus ou moins, oui, mais on pouvait être aveuglé quand les sentiments entraient dans la danse. Nathaniel était bien placé pour le savoir, il avait été le plus stupide entre tous les aveugles : il n'avait absolument rien vu venir.

-Il est vrai que n'importe qui d'un tant soit peu vous mentirait comme un arracheur de dents, admit Nathaniel en les dévoilant, ces dents, largement, ravi de cette réponse de la part d'Aurore.

Elle avait raison, bien sûr. Elle avait plus que raison, même. Il aurait toutes les raisons de lui mentir et de la manipuler. Il ne faisait que ça une grande partie du temps. Il mentait et manipulait dans les très grandes largeurs. Il avait cette fâcheuse tendance, incompréhensible, celle de faire usage de la vérité de manière parfaitement contre-intuitive. Il pouvait se répandre à la manière d'un livre ouvert auprès de ceux qu'il considérait sans détour par ses ennemis. Et à contrario, il était capable de réinventer sa vie entière auprès de ceux qui voulaient se considérer comme ses alliés. Mais en même temps... Les alliés en question... n'en étaient pas toujours, ou ne devraient pas se considérer comme tels. Peu importe l'attachement que Nathaniel pouvait adresser à ceux qui l'entouraient, il n'en était pas moins un grand manipulateur, et un grand égoïste. A la fin, c'était son intérêt personnel qui prévalait, au-delà de tout le reste.

-Mais ce serait oublier un peu vite que je ne suis pas quelqu'un de sensé. Au contraire, même... Il rit doucement. Je suis totalement fou, ajouta-t-il, comme sur le ton de la confidence.

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