Les orphelins choisissent leurs familles. (Guiti)

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uiti n'estimait pas être une personne égoïste, mais elle serait loin de se considérer comme quelqu'un d'altruiste pour autant. Elle n'était pas égoïste au sens où elle avait envie d'agir dans l'intérêt de son peuple, dans l'intérêt des siens, et elle n'était pas altruiste parce que son degré de tolérance envers les autres était très limité tant elle avait tendance à se montrer intransigeante. Son choix de carrière n'en était que plus ironique. Pouvait-on vraiment faire sciemment le choix de guérir les autres si l'on n'avait pas, au moins un peu, le coeur sur la main ? Elle était la preuve vivante que oui. En se présentant comme guérisseuse, elle n'avait pas respecté un voeu sacré d'altruisme et de soutien, non, elle avait simplement mis à profit ses meilleurs atouts en se choisissant l'activité la plus lucrative possible. On pouvait gagner beaucoup quand on connaissait la magie et que l'on s'en servait pour soigner les plaies physiques ou morales des autres, c'était aussi simple que ça.

Alors c'était rarement par générosité qu'elle tendait la main aux grands malades et aux blessés graves qui venaient frapper à sa porte, mais il y avait des exceptions. Guiti, sous ses atours froids et distants, avait tout de même un coeur... que certains s'amuseraient sans doute à qualifier de pierre, il est vrai, mais un coeur tout de même, et qui savait battre pour certaines personnes, celles-là même qui lui avaient cent fois prouvé leur valeur. Sin, bien sûr, en faisait indéniablement partie, mais il n'était pas le seul. Il y avait quelques autres remarquables exceptions, et l'une d'elles venait de frapper à sa porte.

Guiti devait beaucoup à Gorav... Sans son soutien, elle ne savait pas ce qu'elle serait devenu. Devenue orpheline, il avait été le premier à lui tendre la main et à l'aider à se façonner une nouvelle vie, elle qui devait repartir de zéro ou presque, sans savoir que faire ni à quel saint se vouer... Il l'avait guidée, et elle le considérait comme ce grand frère bienveillant qui l'avait toujours admirablement aidé. Quand venait son tour de l'aider en retour, elle ne devait donc pas hésiter un seul instant...

Et en le voyant en si mauvais état sur le pas de sa porte, elle n'était plus tant une guérisseuse en présence d'un patient mal en point qu'une amie sincèrement concernée par la triste situation dans laquelle se trouvait le jeune homme qui visiblement avait été passé à tabac par l'une de ses peu recommandables fréquentations.

-Gorav...

Elle l'aida à rentrer chez elle et à l'installer dans un fauteuil confortable pour examiner ses blessures plus en détails afin de pouvoir au mieux les soigner une à une... Heureusement, tout cela restait dans ses cordes.

-Qu'est-ce qui t'es arrivé ?

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uiti écoutait attentivement les explications de Gorav tandis qu'il lui apprenait avoir croisé la route de mauvaises personnes... En même temps, c'était évident, elle ne l'aurait certainement pas cru s'il avait prétendu avoir eu un banal accident ou va savoir quoi d'autre. Elle en avait suffisamment vu et entendu - et surtout, elle connaissait suffisamment Gorav et ses fréquentations - pour ne pas s'en laisser conter à ce sujet. Elle avait en revanche besoin de plus de détails. Quiconque avait fait subir cela à Gorav devait le payer, d'une manière ou d'une autre. Elle avait besoin de noms, et Gorav les lui donna : Shah, donc. Guiti grimaça. Parmi tous les types peu fréquentables que Gorav fréquentait pour gagner sa vie, ce mec et sa bande faisaient partie des pires. Les scrupules, ils ne connaissaient pas, et même si Gorav leur avait servi plus d'une fois, même s'ils n'auraient pas pu grand chose sans ses interventions, ça ne les empêchait pas de le faire salement payer quand la situation ne leur convenait pas ou plus... Ils l'avaient gardé en vie, certes, parce qu'ils devaient estimer qu'ils avaient encore besoin de lui, mais pour combien de temps ?

-Pour l'instant, il n'est pas question que tu retournes au palais. Je peux te soigner mais il faut que tu restes ici te reposer au moins quelques heures, je ne peux pas te laisser repartir en plein désert dans cet état, même en t'accompagnant jusqu'au palais. Elle laissa passer un temps de silence. Si le sultan doit te le reprocher, je m'arrangerais avec lui, j'ai la chance d'être dans ses petits papiers.

Elle pourrait aussi, carrément, lui lancer un sortilège de confusion. User de sa magie sur le dirigeant lui-même était tentant, parfois, mais c'était trop dangereux. Elle avait beau être une sorcière puissante, elle n'avait pas le pouvoir de s'opposer à tout un gouvernement, et par ailleurs, elle ne savait que trop que cela pourrait très facilement, trop facilement se retourner contre elle.

-Quant à Shah et sa bande, je ferais ce qu'il faut pour qu'il leur passe l'envie de s'en prendre à toi de nouveau, ajouta-t-elle d'un ton décidé.

Oui, elle utilisait ses pouvoirs pour guérir, mais ça ne voulait pas dire pour autant qu'elle ne pouvait pas les utiliser pour nuire.

-Combien est-ce que tu leur dois ?

Elle voulait comprendre à quel point il était en difficulté avec eux. Est-ce qu'il allait falloir qu'elle intervienne ? Elle n'hésiterait pas si besoin. Pour Guiti, Gorav était sa famille, et quand on s'en prenait à sa famille, elle sortait les griffes sans l'ombre de la moindre hésitation. C'était une chose dont Sin pouvait attester, dont ses parents pourraient attester si ils étaient toujours en vie. Et dont Gorav, également, pouvait attester.

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uiti n'en faisait qu'à sa tête. Quiconque la connaissait un tant soit peu savait qu'on ne pouvait rien contre son caractère bien trempé, et qu'il était préférable d'accepter son sort, parce que dans tous les cas, ce qu'elle avait décidé devait toujours faire figure d'autorité absolue. Fort heureusement, Gorav la connaissait bien assez pour savoir ce qu'il en était et ne se faire aucune forme d'illusion à ce sujet. Si elle décidait qu'il devait rester le temps de se remettre, elle ne reviendrait pas là-dessus, et s'il lui opposait la moindre résistance, elle le remettrait à sa place avec sa verve habituelle. Oui, clairement, il ne pouvait qu'avoir conscience de cela, et, par conséquent, décider de se tenir à carreau, ce qui effectivement valait naturellement mieux.

-Si tu dois accuser des représailles que tu ne seras pas en mesure de gérer et que je dois t'accueillir dans des états pas possibles - et ça, c'est si on te laisse en vie -, si, je te ferais remarquer que ça me regarde. Alors n'essaie pas de détourner l'attention ou de noyer le poisson, parce que je ne laisserai pas passer ça, répondit-elle quand Gorav eut l'affront de lui dire que ça ne la regardait pas.

Bien sûr, qu'elle savait que ça partait d'une très bonne intention, mais pour sa part, ça ne changeait mais alors absolument rien, vraiment rien.

-C'est trop tard pour que je ne m'en mêle pas, ça te concerne donc je suis impliquée, fin de l'histoire.

Elle était toujours impérieuse et directive dans des circonstances comme celle-ci, mais elle considérait que c'était bien normal, et même que c'était la moindre des choses. Il ne fallait pas s'attendre à ce qu'elle laisse couler ou n'y mette pas son grain de sel, d'autant qu'elle savait reconnaître les situations complexes et dangereuses quand elle s'y retrouvait elle-même exposée.

-Je te ferais remarquer que j'ai largement les moyens de t'aider. Des moyens autant financiers que magiques. Alors range ta fierté, tu seras gentil, ajouta-t-elle avec autorité.

Avec elle, l'argument de "je me débrouillerai", ça ne passait pas. D'autant que quand quelqu'un vous disait qu'il allait trouver une solution et que tout rentrerait dans l'ordre, c'était à ses yeux l'exemple le plus pur et certain du fait que la personne concernée n'avait pas la moindre foutre idée de ce qu'elle faisait en réalité et essayait de s'illusionner avec des stupides artifices. Non, chez elle, ce genre de choses, ça ne passait pas, mais alors pas du tout. Gorav ne pourrait s'en prendre qu'à lui-même, il n'avait qu'à pas l'avoir comme amie. Car clairement, non, elle n'avait pas l'intention de jouer les accomodantes pour brosser son égo dans le sens du pol.