Une vie entre deux océans (pv Geoffroy)

Geoffroy avait été convoqué par le nouveau souverain de Féerie (enfin, nouveau n’était pas réellement le mot approprié, mais pour l’ancien membre de la garde royale, c’était quand même tout nouveau… la dernière fois qu’il avait mis les pieds dans ce royaume, c’était Dorian le souverain de Féerie), sans que cela ne le surprenne réellement. Bien au contraire, si Edgar ne l’avait pas convoqué pour lui parler – parce que c’était bien pour cette raison – il aurait été le voir de lui-même. Parce que Geoffroy avait vraiment eu l’intention de parler avec le souverain de Féerie, afin de mettre au clair la situation, afin de montrer patte blanche, se doutant évidemment que tout cela était quelque peu délicat. Geoffroy n’était pas dupe, il se doutait que si le roi voulait lui parler, ce n’était pas simplement pour discuter de la vie qu’il avait mené là-bas. Ils n’allaient pas juste tailler une bavette tous les deux, le roi voudrait sans doute en savoir plus sur la manière dont il avait pu rentrer, la manière dont il avait pu traverser l’océan et sans doute en savoir plus sur ses intentions. Geoffroy ne se faisait pas d’illusion, Edgar n’avait aucune raison de lui faire confiance. À sa place, l’homme ne se serait pas fait confiance sans avoir discuté un moment, c’était évident.

Geoffroy ne connaissait pas grand-chose de la situation de Féerie depuis toutes ces années. Ce qu’il avait su, par Jocaste, c’était que la vie était bien plus sereine et sans doute que c’était cela que Edgar cherchait, préserver la sérénité de son royaume. Ce qui était compréhensible. Pour avoir connu la guerre, Geoffroy n’avait pas spécialement envie de la voir de retour dans ce royaume. L’homme se rendit donc dans la salle de réception du château afin de rejoindre Edgar, à l’heure communiqué par ce dernier. Il n’avait pas d’intérêt à arriver en retard. Il s’y rendait plutôt confiant. En un sens, il savait bien qu’il devait sans doute être plus stressé, mais il se permettait d’être sûr de lui. Parce qu’il savait que le souverain n’avait aucune raison de lui reprocher quoi que ce soit. Son retour à Féerie n’était certes pas un bon signe pour lui, ça c’était évident, puisqu’il était celui qui avait installé la barrière entre les deux mondes. Mais au moins, il était au courant maintenant que cette barrière avait disparu, ce qui ne semblait pas être le cas avant.

« Bonsoir Sir. » Le salua-t-il avec tout le respect qui se devait pour un souverain de royaume, pour son souverain. Évidemment, malgré les années, Geoffroy n’avait en aucun cas oublié la manière il devait se comporter avec un roi. Même si l’homme sous ses yeux n’était pas son roi quand il avait quitté Féerie pour se rendre à la guerre, de l’autre côté de l’océan, il le considérait comme le sien maintenant. « Merci pour votre invitation. J’avais grand hâte de pouvoir m’entretenir avec vous. »

Et il était sincère. C’était l’une des choses que Geoffroy savait qu’il devait faire très rapidement. Ainsi, la situation sera clair et net.

Geoffroy ne fut pas spécialement étonné d’apprendre que le roi avait eu grand hâte de le rencontrer, au vu des circonstances il le comprenait. L’homme n’était pas clairement positionné, mais il avait compris que le roi avait érigé cette barrière – qu’il ne considérait pas être une mauvaise idée, il aurait seulement aimé avoir le temps de rentrer avant – afin de protéger Féerie, ce qui était un raison louable. L’homme ne manqua pas de lui parler de l’entretient qu’il avait eu avec Jocaste. Geoffroy était au courant, son épouse lui en avait parlé. Ils avaient discuté à son sujet et l’homme se doutait pour quelle raison. Edgar avait fait ériger une barrière et celle-ci ne se trouvait plus en place, c’était normal qu’il se pose des questions, qu’il se demande comment c’était possible. Bref, en soit, Geoffroy n’était donc pas étonné de se retrouver là et t’entendre l’homme affirmer que son retour l’avait laissé circonspect. Il avait affirmé qu’il ne pouvait que s’estimer ravi de savoir qu’il était vivant, mais en un sens, l’homme ne savait pas si le souverain était sincère. Il ne le serait peut-être pas tant qu’il ne saura pas quelles étaient ses intentions.

En tout cas, LA question arriva très rapidement. Comment il avait fait pour franchir la barrière, c’était la grande question en effet. Geoffroy lui-même ne comprenait pas vraiment. Mais en même temps, il n’avait pas spécialement cherché à comprendre. Elle avait disparu, il avait pu rejoindre son épouse, c’était la seule chose qui avait compté.

« Pour tout vous dire, je ne saurais dire. » Geoffroy marqua une pause, courte, avant de reprendre. « Enfin si, je peux vous dire avec certitude que votre barrière n’existe plus. »

Ce que le roi n’allait pas forcément apprécier d’entendre, mais en même temps, l’homme ne voyait pas vraiment comment il pouvait dire les choses autrement. Edgar devait savoir que la barrière n’était plus. Le roi devait avoir bien connaissance de la situation, sinon ça n’avait pas d’intérêt. Bref, il devait donc savoir et maintenant, il allait savoir.

« Cela fait vingt quand que je tente constamment de passer votre barrière, sans succès. Et d’un coup, elle a disparu. » Geoffroy ne pouvait que se réjouir de cette situation, puisque cela lui permettait de retrouver son épouse, de pouvoir reprendre sa place. « Je serais incapable de vous dire comment. »

Non volontairement, Geoffroy ne pensait pas à parler du jeune homme qu’il avait rencontré au royaume du bout de l’océan, qu’il avait trouvé un peu étrange, mais qui lui avait parlé de la disparition de la barrière. Il n’y pensait plus non, ne se doutant pas que ce détail avait son importance.

Il était évident que découvrir que la barrière n’existait plus n’était pas une bonne nouvelle pour le souverain de Féerie, mais Geoffroy avait bien plus de mal à ne pas se réjouir de cette situation. L’ancien membre de la garde n’avait évidemment pas envie que son royaume – parce que même s’il l’avait quitté pendant près de vingt ans, Féerie était quand même son royaume – soit en danger maintenant que la barrière qui séparait les deux royaumes avait disparu, mais cela n’enlevait rien au fait qu’il se sentait quand même soulagé de pouvoir être revenu. Il avait retrouvé Jocaste après toutes ces années, c’était la seule chose qui comptait à présent. Il était heureux parce qu’il était chez lui et qu’il était avec son épouse. Ils avaient perdu énormément de temps et en grande partie à cause de l’homme sous ses yeux (mais il ne lui en voulait pas, il comprenait l’intérêt de cette barrière), il espérait pouvoir rattraper le temps perdu. Quand bien même, il avait conscience du problème qu’était de la disparition de la barrière.

Edgar ne manqua pas de le lui rappeler d’ailleurs, affirmant que lui mieux que personne pouvait se rendre compte des dangers de cette disparition. Et forcément, Geoffroy avait l’intention de protéger son royaume. Le roi le questionna, sur une éventuelle personne qui pourrait savoir qu’il avait fait la traversée, si quelqu’un avait pu le suivre, ou que quelqu’un soit tout simplement au courant de l’autre côté. Il n’ne avait pas encore parlé à Clifford et dans tous les cas, Geoffroy savait qu’il ne poserait pas de soucis à Féerie. Mais les propos du roi lui firent penser à quelque chose, un détail qu’il n’avait plus en tête depuis qu’il avait bel et bien réussi à faire cette traversée. Pour la simple et bonne raison qu’il s’était concentré sur son retour, oubliant ce détail qui n’en était peut-être pas un.

« Personne ne m’a suivi et je n’en ai parlé à personne mais… » Geoffroy marqua une pause, avant de reprendre. « Il y avait ce jeune homme que j’ai rencontré sur la plage du royaume du bout de l’océan. C’était une personne de chez nous, assurément. Il était bien trop pâle pour avoir passé du temps sous le soleil. » Maintenant qu’il y pensait, il aurait sans doute dû en parler directement au roi. Quand bien même, il avait eu beaucoup de mal à le prendre au sérieux au début. « Il était au courant que la barrière a disparu. »

Et il se doutait bien que le roi n’allait pas apprécier ce qu’il lui disait, mais en même temps il se montrait honnête. Et il était évident que le souverain ne pourrait qu’avoir envie de posséder ce genre d’information. Même si Geoffroy ne se doutait pas des conséquences d’une telle information, il ne se doutait pas de ce que ça voulait vraiment dire. De qui était ce jeune homme qu’il avait rencontré.
 

Au final, Geoffroy ne savait pas vraiment si l’information qu’il était en train de donner au roi de Féerie allait vraiment l’aider ou non. Mais en même temps, l’homme n’avait aucune raison de cacher quelconque information. Il ne pouvait pas nier qu’il avait trouvé cette conversation avec ce jeune homme particulière, mais c’était en grande partie parce qu’il découvrait que la barrière avait disparu et donc qu’il allait pouvoir rentrer chez lui et revoir son épouse (ou en tout cas, il avait touché du doigt son désir de revoir son épouse). Le moment avait donc été particulier, mais le l’ancien garde royale n’avait pas pensé que ça puisse avoir de l’importance après coup, raison pour laquelle il n’avait pas encore parlé de ce détail.

Geoffroy avait conscience que cette situation était dangereuse, que la disparition de la barrière n’était pas une si bonne chose. Forcément, il ne pouvait pas nier qu’il appréciait qu’elle ait été ouverte, pour la simple et bonne raison qu’il pouvait se tenir devant son roi aujourd’hui. Ce roi qui n’était pas roi à l’époque de son départ, mais qu’il considérait comme son roi, parce qu’il avait la légitimité du trône. Il se doutait que c’était une mauvaise chose, même s’il appréciait qu’elle ait disparu, il avait conscience du danger. Surtout qu’il avait vu comment les choses étaient de l’autre côté de l’océan et qu’il n’avait aucune envie que ce peuple foule du pied Féerie. Et c’était évidemment en aillant conscience de tout cela que la conversation avec l’inconnu lui revint en tête.

Quand Edgar lui demanda s’il connaissait le nom de cette personne, Geoffroy eut le sentiment que son roi était plus tendu que précédemment. À moins qu’il se contente simplement de se faire une idée. Dans tous les cas, l’ancien membre de la garde royale avait une réponse pour le souverain.

« Oui, il m’a donné son nom. » Et il n’imaginait pas une seule seconde à quel point ce nom allait être connu de la part du roi. « Il s’appelle Nathaniel. »

Un nom qui raisonnait dans le passé de son interlocuteur, sans pour autant que Geoffroy soit à même de l’imaginer. Pour la simple et bonne raison que le jeune homme qu’il avait eu face de lui ne pouvait en aucun cas lui faire penser qu’il puisse avoir un rapport avec la couronne. Du moins, pas ce genre de rapport. Bref, il ne savait pas du tout si le roi allait connaître ce nom ou pas, c’était peut-être un simple habitant de Féerie qui s’amusait – sans qu’il ne comprenne pourquoi – à faire des allers retours. Geoffroy était loin d’imaginer que cette personne puisse avoir à ce point de l’importance, qu’il puisse être celui qu’il était.
 

Geoffroy ne savait pas réellement si le nom qu’il venait de prononcer parlait au roi sous ses yeux, mais dans tous les cas ce dernier ne mit pas longtemps à reprendre la parole pour l’éclairer à ce sujet. Si Edgar n’en donna pas l’air, la situation était vraiment grave apparemment. En tout cas, l’homme que Geoffroy avait croisé de l’autre côté de l’océan n’était autre qu’un ennemi de la couronne. L’homme apprécia d’entendre son roi affirmer que Nathaniel était un de « nos » ennemis les plus redoutables, osant espérer qu’il l’incluait dans l’équation. Parce que même si Nathaniel lui avait semblé fort sympathique (en grande partie parce qu’il lui avait quand même appris que la barrière n’existait plus), s’il était un ennemi de Féerie et du roi de ce royaume, alors il devenait immédiatement l’un des siens. Geoffroy n’était clairement pas objectif dans l’affaire, ce qui tombait bien parce qu’on ne lui demandait pas de l’être.

Edgar avait besoin de sa loyauté, tout comme il avait besoin de toutes les informations possibles sur l’autre royaume. Mais il ne se contenta pas de lui dire cela, il ajouta quelque chose pour bien lui faire comprendre qu’il ne laissait rien au hasard. Si Geoffroy donnait des informations inexactes, ça allait avoir des conséquences, sur sa personne mais pas seulement. Geoffroy reconnaissait évidemment ce qu’était les menaces du roi et en un sens, il aurait pu ne pas apprécier que l’homme se comporte de la sorte. Mais à sa place, il était évident qu’il se montrerait aussi peu confiant. De ce qu’il savait du royaume du bout de l’océan, et il considérait qu’il en savait beaucoup, on ne pouvait pas les prendre à la légère.

« Il n’y aura besoin d’aucune conséquence. » Affirma-t-il avec conviction, sans montrer le moindre doute. Parce qu’il ne doutait pas. Que Edgar doute encore de lui, c’était parfaitement normal, de son côté l’homme savait exactement ce qu’il faisait, ce qu’il devait faire et vers qui sa loyauté devait se rendre. Vers l’homme qui se trouvait sous ses yeux. Pour le moment il était normal qu’il doute, mais bientôt il allait se rendre compte qu’il n’avait aucune raison de le faire. « Je vous dirais évidemment tout ce que je sais au sujet de ce royaume. » Parce qu’il n’avait aucune raison de ne pas le faire. « Et je vous aiderai quoi que vous décidiez de faire à leur sujet. » Jocaste n’apprécierait pas de savoir qu’il comptait aider le roi de cette manière. Pas qu’elle puisse regretter sa loyauté bien au contraire, mais ça sous-entendait quand même de reprendre les armes. « Comme vous l’avez dit vous-même, je suis bien placé pour savoir que la disparition de cette barrière est une très mauvaise chose. Je ne vous mentirais pas en vous affirmant que je n’ai pas été heureux de pouvoir faire de nouveau la traversé. » L’homme sous ses yeux n’était pas idiot, il devait se douter qu’il était heureux de rentrer. « Mais j’ai conscience qu’il faut absolument agir. Je ne laisserais pas ces personnes gâcher ce que vous avez mis en place. Féerie ne s’est jamais aussi bien portée. »

En un sens, il n’avait pas encore tout vu du royaume. Mais de ce qu’il avait vu pour le moment, c’était ce qu’il pensait corps et âme.
 

Le roi n’avait pas réellement de raison de le remercier, mais Geoffroy apprécia d’entendre ces propos. Quoi qu’il ne manquait pas de préciser quand même qu’il ne tenait qu’à l’homme de prouver qu’il ce qu’il était en train de prononcer n’était pas que des mots. Geoffroy n’avait aucun doute, Edgar allait se rendre compte qu’il n’avait aucune raison de se préoccuper de lui, de craindre ses actes, parce qu’il était pleinement de son côté. Si l’ancien garde royale avait encore beaucoup de chose à apprendre, il savait d’ores et déjà que sa loyauté ne se détournait pas de la couronne de Féerie et présentement celle-ci se trouvait sur la tête de Edgar. Il avait l’intention de venir en aide du mieux possible à l’homme sous ses yeux.

« Quelques mois je dirais. » L’homme aimerait bien se montrer plus précis, mais il ne pouvait pas réellement l’être. Il y avait eu tant de fois où il avait tenté de traverser sans y arriver, tant de fois où il avait eu envie de renoncer, tant de fois où il s’était retrouvé sur la plage sans pour autant chercher à traverser parce qu’il se disait que ça ne servait à rien. Avant de découvrir que ça servait à quelque chose finalement.

Et en prime de retrouver Jocaste, ce qui était la plus belle chose qui pouvait lui arriver, il pouvait aider Edgar à connaître plus le royaume du bout de l’océan, se préparer à l’éventuelle menace. Et il avait vraiment l’intention de donner toutes les informations possibles à son interlocuteur, sans ignorer quoi que ce soit.

« Je n’appellerais pas ça une armée, le sultan possède évidemment un service de protection, pour lui et le palais. Il y a quelques services de sécurité dans le royaume, mais globalement rien de bien dangereux. » Et de toute façon Geoffroy savait que de nombreuses personnes dans le royaume étaient corrompu. « Question politique c’est très simple, le sultan se préoccupe de sa personne et peu de son peuple. Il vit dans la misère sans que cela ne semble déranger les personnes se trouvant dans le palais. » Avait-il de la peine pour eux ? En partie, bien sûr, Geoffroy n’était pas complètement insensible. Mais il avait tant haï ce peuple qu’il n’avait même pas envie de leur désirer quoi que ce soit de bon. « Cela dit, je présume que le sultan sera sans doute capable de tout pour préserver son petit confort. »

Enfin, il disait ça sans en avoir non plus la pleine certitude. Après tout, il ne pouvait pas parler à la place de cet homme qu’il n’avait pas spécialement eu l’occasion de voir. Qu’il n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer d’ailleurs.
 

Geoffroy tentait le plus possible d’apporter les informations que l’homme sous ses yeux avait besoin, il tentait de faire en sorte que Edgar soit parfaitement au courant de la situation, qu’il n’y ait plus la moindre part de mystère. Cela dit, l’homme avait conscience que ce n’était pas si évident que ça, en grande partie parce que mine de rien… c’était juste de la parole. Geoffroy n’avait rien pour prouver tout ce qu’il disait, il ne pouvait pas non plus garantir sa bonne foi à son souverain. Ce fut d’ailleurs ce que Edgar mit en avant en affirmant qu’il aimerait le croire sur parole. Geoffroy aimerait aussi que ce dernier accepte de le croire sur parole, mais il se doutait que Edgar ne serait pas un bon roi s’il commençait à le croire sur parole alors qu’il n’avait aucune certitude de son allégeance. Il devait se méfier, sauf qu’en même temps Geoffroy aimerait bien qu’il ne se méfie pas.

La question du roi n’était pas évidente, Edgar voulait savoir comment il pouvait faire pour s’assurer qu’il n’était pas un espion à la solde de l’ennemi. Geoffroy n’avait définitivement aucune preuve à fournir au souverain de Féerie, en dehors de sa parole. Il savait parfaitement qu’il était honnête, Geoffroy était sûr et certain de sa position, du fait qu’il était parfaitement fidèle à Féerie et qu’il n’avait rien du tout à se reprocher. Sauf qu’il ne pouvait pas le prouver.

« J’aimerais pouvoir vous le prouver, mais j’en suis incapable. » Répondit-il honnêtement. Il ne servait à rien de mentir dans tous les cas, il n’avait rien pour prouver à son interlocuteur qu’il n’était pas un espion, en dehors de sa parole. « Je n’ai que ma parole et je sais bien que vous ne pouvez pas forcément vous y fier. » Autant dire que sa situation n’était pas parfaite, mais en même temps ce n’était encore une fois pas comme s’il avait quelque chose à se reprocher. « Je suis resté des années dans ce royaume sans avoir la moindre affection pour ces personnes, avec le seul désir de pouvoir retrouver mon foyer qui est ici. Et je ferais tout, comme avant, pour le défendre. J’ai risqué ma vie pour Féerie, je suis prêt à recommencer. »

L’homme savait bien que Edgar n’avait aucune raison de le croire, mais il tentait de se montrer le plus convaincant possible. Parce que c’était vraiment ce qu’il pensait. Jocaste lui en voudrait peut-être, mais il était sincère, la seule chose qu’il avait fait dans sa vie avait été de défendre son royaume, il n’y avait pas de raison que près de vingt ans plus tard, les choses changent. Bien au contraire, surtout au vu de la situation, maintenant qu’il n’y avait plus la barrière et que les deux royaumes pouvaient communiquer de nouveau.
 

Geoffroy avait conscience que sa parole ne suffirait pas à convaincre le roi. En même temps, à la place de ce dernier, l’homme ne lui ferait sans doute pas confiance non plus. C’était comme ça, l’ancien garde royal c’était préparé à cette situation, au fait que Edgar Basiel n’allait pas le croire complètement sur parole. Ce n’était pas un souci, Geoffroy était prêt à attendre tout le temps qu’il fallait pour montrer sa bonne foi, parce qu’il était sincèrement de bonne foi. L’homme n’avait pas conscience à quel point la trahison était possible en ce royaume, à quel point le roi ne se trouvait pas dans la meilleure position du monde pour accorder sa confiance. Mais il avait confiance en ses capacités à prouver qu’il était honnête, pour la simple et bonne raison qu’il était plus qu’honnête.

L’homme ne s’offusqua donc pas en entendant le roi répondre froidement qu’il ne pouvait pas se fier à sa parole. En un sens, Geoffroy devait bien avouer qu’il préférait même ça que d’entendre ce roi affirmer haut et fort qu’il était maintenant son meilleur ami. Au moins, ça prouvait que le nouveau roi avait la tête sur les épaules. Bon… Edgar n’était pas si nouveau sur le trône, mais pour Geoffroy il était ce nouveau roi. Celui là qui semblait avoir donné à Féerie une bonne situation. Geoffroy hocha de la tête en tout cas, prêt à ce que l’homme sous ses yeux s’assure en effet que sa parole était digne de confiance. Bon, évidemment, l’homme n’avait aucune envie de se retrouver torturé non plus, mais il était quand même prêt à subir des testes de toute sortes. Si ça pouvait prouver qu’il n’était pas un espion, qu’il était honnête et qu’il puisse avoir une place légitime auprès de son épouse, ce n’était pas grand-chose.

« Parfaitement. » Répondit-il, quand l’homme lui demanda – même si Geoffroy avait conscience qu’en réalité il ne lui demandait rien – s’il comprenait qu’il allait devoir rester sous surveillance constante. Encore une fois, c’était quelque chose à laquelle Geoffroy s’était attendu, même s’il espérait quand même que rapidement Edgar allait pouvoir comprendre qu’il n’avait aucune raison de se méfier de lui. S’il devait donc être sur surveillance constante, l’homme comprenait, mais il espérait quand même que ça allait passer. En tout cas, qu’il comprenne ou non, Geoffroy se doutait que ça ne changerait rien concernant Edgar. « Je suis à votre entière disposition. »

Et c’était vraiment le cas, il ne disait pas ça juste pour se faire bien voir. Il le pensait vraiment, il espérait bien prouver à son interlocuteur qu’il était sincère. Il était vraiment à sa disposition, pour prouver à son interlocuteur qu’il était honnête.  

Geoffroy n’avait pas l’intention d’aller une seule seconde à l’encontre du roi qui se trouvait sous ses yeux, il avait conscience qu’il se devait quand même d’être parfait et juste parfait, afin de montrer à l’homme qu’il n’avait rien à craindre de lui. Alors quoi qu’il décide, quoi qu’il veuille, l’homme était prêt à tout accepter. Rien n’était trop difficile pour lui en même temps, surtout après avoir vécu pendant près de vingt ans dans un autre royaume que le sien, aussi loin de son épouse, incapable de pouvoir rentrer chez lui. Au final, s’il devait donc attendre un peu pouvoir avoir la confiance de son roi, ce n’était pas si grave que ça en tout cas. Du moins, c’était ce qu’il pensait, mais il n’avait pas encore conscience de ce que l’homme allait lui demander.

Geoffroy senti son implication diminuer quand l’homme commença en parlant de Jocaste. « Pour ce qui est de Jocaste », ça ne lui disait vraiment rien qui vaille, quand bien même il était évident qu’il fallait qu’ils parlent de son épouse. L’homme précisa qu’elle était très importante pour eux, surtout pour la reine. Mine de rien, c’était quand même quelque chose que l’homme appréciait d’entendre, il aimait se dire que les gens comptaient sur Jocaste, qu’elle comptait pour eux, qu’elle avait quand même eu une place importante. Pendant toutes ces années, elle avait porté son deuil, elle n’avait pas décidé de se remarier – et il en était tellement heureux d’ailleurs –, elle avait fait autrement et il aimait découvrir la personne qu’elle était devenue.

Malheureusement, forcément, elle comptait énormément pour le souverain et la reine, alors ils avaient envie de la protéger. Geoffroy n’aimait pas spécialement comprendre où l’homme voulait en venir quand il affirmait qu’ils ne pouvaient pas tolérer que quelqu’un manipule et influence Jocaste. Parce que oui, forcément, il ne pouvait que comprendre où elle voulait en venir.

« Je… » L’homme n’aimait pas réellement entendre son interlocuteur affirmer qu’il devait restreindre ses fréquentations avec sa femme, alors qu’il était juste heureux de la retrouver, qu’ils avaient passé tellement de temps loin l’un de l’autre et qu’ils avaient tellement de chose à rattraper tous les deux. Tellement d’année qu’ils avaient à retrouver, de moment à partager. Geoffroy sentait son cœur se briser à l’idée de devoir se restreindre, même si Edgar ne l’empêchait pas complètement de la voir non et heureusement… « Je comprends parfaitement. » Répondit-il, même si ça lui fendait le cœur, il acceptait. Ce n’était pas comme s’il avait le choix en même temps, s’il s’opposait à la volonté du roi, il prenait le risque de ne plus jamais pouvoir passer du temps avec Jocaste. Geoffroy avait conscience que sa situation était complexe, qu’il devait montrer pattes blanches pour être sûr de ne pas tout perdre. Même si pour ça, il allait devoir prendre énormément sur lui. « Je… je ne vous cache pas que cette demande est particulièrement difficile pour moi. J’ai passé toutes ces dernières années à rêver du jour où je pourrais retrouver mon épouse. Mais je ferais à votre convenance. »

Il se montrer honnête, encore une fois, c’était la meilleure des armes.
 

Même si Edgar lui affirmait qu’il comprenait, l’homme savait bien que ça ne voulait pas dire qu’il allait se montrer plus compatissant à son sort. Malheureusement, Geoffroy n’avait pas d’autre choix que de faire avec, il allait devoir faire avec les décisions de Edgar. Mais cela n’enlevait pas le fait qu’il avait quand même l’intention d’exprimer ce qu’il ressentait, il jugeait qu’il pouvait se permettre de le faire. Le roi reprit en affirmant qu’il considérait quand même qu’il faisait déjà preuve de beaucoup de largesse à son sujet, en lui laissant la vie sauve. Geoffroy était parfaitement d’accord avec ça bien sûr, il savait qu’il avait beaucoup de chance d’être encore en vie au vu de sa situation.

Edgar ne prenait évidemment aucun risque à parler avec lui, mais ça au final ce n’était que Geoffroy qui pouvait en être sûr. Au vu de la situation, l’ancien garde royale ne pouvait bien sûr pas reprocher à son roi de se méfier, il valait quand même bien mieux qu’il le fasse. Mais ce qu’il fallait entendre surtout, c’était le fait que le souverain de Féerie considérait que pour la sécurité du royaume, il vaudrait peut-être mieux le tuer. Geoffroy savait bien qu’il ne devait pas se mettre Edgar à dos et il n’avait aucune intention de le faire, mais il comprenait quand même parfaitement bien que le moindre écart de sa part lui ferait prendre un risque pour sa tête.

« Bien sûr, je suis entièrement d’accord. » Dit-il, en baissant un peu la tête, en réponse aux paroles de son souverain. « Et vous avez mon entière gratitude mon seigneur. » À choisir, bien sûr, Geoffroy aurait préféré que l’homme ne se montrer pas à ce point strict avec lui, qu’il ne l’empêche pas de voir son épouse. Mais en même temps, il était quand même heureux de pouvoir être encore en vie, il n’allait pas mentir. Et il aurait tout le loisir de prouver à Edgar qu’il pouvait lui faire confiance, en espérant que ça ne prenne quand même pas trop de temps. Pour la simple et bonne raison que Jocaste lui avait beaucoup trop manqué pour qu’il supporte encore des semaines sans pouvoir profiter de sa personne. En tout cas, Geoffroy savait parfaitement ce qu’il allait devoir faire, faire en sorte que le roi l’apprécie, et se rende compte qu’il n’avait aucune raison de se méfier de lui. Il allait devoir entrer dans ses bonnes grâces ce qui allait très clairement être un combat de tous les instants. Mais il était prêt à le faire, parce que c’était son devoir. Féerie était son monde, sa patrie, son peuple et Jocaste était sa famille. C’était aussi simple que cela, il se battrait et il ferait preuve de tous les efforts du monde pour eux. « Et comme j’ai déjà pu vous le dire, je suis à votre entière disposition. »

Il se rabaissait en soit devant Edgar, mais ce n’était même pas un exercice difficile. C’était comme ça, il était le roi.
 

Geoffroy avait conscience que rien n’était gagné et qu’il n’avait clairement pas la confiance de son roi, mais en même temps il avait aussi conscience qu’il se retrouvait dans la meilleure situation possible. Parce que Edgar lui donnait une chance et c’était tout ce qu’il pouvait se permettre de demander. Le souverain de féerie se permettait de lui donner le bénéfice du doute, il allait le surveiller bien sûr, mais pour cela Geoffroy allait pouvoir rester au château. Il allait l’avoir à l’œil et il allait sans doute avoir besoin de temps avant de lui faire confiance, mais il donnait quand même une tâche importante. Geoffroy avait conscience que tout ce qu’il allait pouvoir déposer sur le papier allait sans doute justifier de la confiance ou non de son interlocuteur, mais il considérait que c’était un honneur qu’il lui faisait. Parce que l’homme ne le tuait pas sur place, tout simplement, ce qu’il aurait très bien pu décider dans le doute afin de ne prendre aucun risque. Non, il lui donnait une chance de lui prouver qu’il était de leur côté et qu’il avait à cœur d’aider Féerie.

Autant dire que Geoffroy prenait vraiment très au sérieux la tâche que le souverain lui donnait. Coucher sur papier tout le savoir qu’il avait accumulé en une vingtaine d’année, ce n’était pas rien, surtout si l’homme avait l’intention de lui réclamer tous les détails même les plus insignifiants. Mais il était prêt à le faire. Malgré les années qu’il avait passé dans ce royaume et toutes les connaissances qu’il avait forcément accumulé, l’homme ne portait en aucun cas ces habitants dans son cœur. Et vu ce qu’il avait subi pendant toutes ces années, ce n’était pas étonnant, on avait quand même essayé plusieurs fois de le tuer… Il était ravi de pouvoir aider Edgar donc, et en prime, s’il pouvait envisager de retrouver la garde royale…

« C’est un grand honneur pour moi de vous aider. » Répondit-il. On pouvait croire qu’il se contentait simplement d’aller dans le sens de son interlocuteur, qu’il faisait tout pour se faire bien voir, mais il le pensait sincèrement. Et comment ne pas le penser quand il avait la possibilité d’envisager qu’on finisse par lui donner son ancienne place. Même si Jocaste n’appréciait pas spécialement l’idée, il avait réellement envie de réintégrer la garde royale, il ferait tout dans le but d’y parvenir. Et pour cela, il devait tout faire pour que son interlocuteur ait confiance en lui. « Je vais m’atteler à la tâche tout de suite, sans perdre un instant. » Parce qu’il était évident que ça allait lui demander du temps avant qu’il ne parvienne à réellement mettre sur papier tout ce qu’il savait du royaume du bout de l’océan. Plus vite il allait s’y mettre, plus vite il aurait avancé et il allait pouvoir prouver qu’il était là pour la bonne cause, et qu’il avait envie de mener Féerie le plus loin possible, mais surtout de la protéger des menaces à venir.