La curiosité est un vilain défaut [pv Abygaëlle :33]

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La curiosité est un vilain défaut

E

leonore le tuerait sans doute (encore qu'il ne l'imaginait pas capable d'une telle chose, à tort comme chacun sait) si elle découvrait qu'il se trouvait là, face à la porte d'entrée de la maison des Odien, mais justement, c'était ça qu'il trouvait amusant. Nathaniel prenait toujours un malin plaisir à se mêler de ce qui ne le regardait pas. Forcément, quand il était question d'Eleonore et de ses liens familiaux complexes et tordus, il ne pouvait qu'être aux aguets. Il commençait à bien connaître le père, il avait fait connaissance avec la soeur, il n'en manquait plus qu'une pour compléter le tableau, et c'était dans l'intention de la rencontrer qu'il se trouvait à présent là. Il est vrai que ce n'était pas une attitude très prudente, mais ce n'était pas comme si la prudence faisait réellement partie des attributions du fugitif, qui même s'il pouvait parfois se montrer stratège et calculateur, agissait le plus souvent à l'instinct. Il ne pensait pas risquer grand chose à provoquer cette rencontre dans tous les cas. Au pire, il se contenterait d'assouvir sa curiosité, au mieux il en tirerait d'autres bénéfices. Abygaëlle Odien était proche de la royauté, et ne faisait pas semblant de l'être. C'était ce qui rendait le pari risqué, mais aussi ce qui pouvait le rendre intéressant. A ce stade de sa stratégie, il trouvat ça plutôt amusant que de laisser sentir à Edgar qu'il rôdait autour de ceux qui se trouvaient dans son giron... Et qui sait, peut-être que cette femme n'était pas aussi irrécupérable que laissaient supposer les apparences ? Dans ce cas, l'affaire pourrait aussi être intéressante, pour une autre raison. L'ancien prisonnier de l'île des soupirs n'attendit pas une seule seconde, et hésita encore moins avant de frapper à sa porte, attendant qu'on lui ouvre. Il découvrit alors un visage où il reconnaissait les traits des jumelles Odien, le tout surmonté d'une tignasse rousse flamboyante.

-Bonjour, dit-il, ravi d'être tombé sur elle, sachant qu'elle était de plus en plus rarement dans cette maison et passait le plus clair de son temps au château (mais en même temps, s'il avait décidé de frapper à cette porte, ici et maintenant, c'est qu'il avait su qu'il aurait de fortes chances de la croiser en cet instant précis). C'est vous, Abygaëlle ?

Tout en lui posant cette question, il la détaillait du regard sans la moindre discrétion, et pour cause, il était là pour jauger le personnage, et cela passait aussi, bien évidemment, par les apparences, par ce qu'elle pouvait dégager sans même ouvrir la bouche. Enfin, rien ne serait plus clair que quand elle se serait directement exprimée, et il avait hâte de déterminer son tempérament, sa manière de faire et de penser...

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Messages : 192 Date d'inscription : 05/06/2018

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Abygaëlle ne passait finalement plus beaucoup de temps chez elle, aux grands Dames de son époux. Ce n’était pas contre Gwendall qu’elle évitait par moment leur demeure, c’était simplement qu’elle avait le sentiment de ne plus y avoir sa place. Après tout, leur fille était quand même la princesse du royaume, ils méritaient bien mieux. Et ils avaient fait tout ce qu’ils avaient fait dans ce but. Enfin, c’était surtout dans le but que leurs jumelles ne manquent de rien et ça avait été le cas toutes ces années, où ils s’étaient occupés de Victoria comme de leur fille (en l’aimant comme une fille, Abygaëlle ne pouvait pas le nier, quand bien même sa mort ne l’attristait sans doute pas autant qu’il ne faudrait). Mais dans tous les cas, Anna vivait la vie qu’elle méritait de vivre, elle était la princesse de ce royaume, l’épouse de Gabriel – quand bien même tout le monde pensait que c’était Eleonore, mais ce n’était qu’un mal pour un bien, un grain de sable dans cette grande histoire – ils n’avaient aucune raison d’avoir la même vie qu’autrefois. Cette vie à laquelle son époux se raccrochait bien trop. Malheureusement. Abygaëlle aimerait bien que Gwendall parvienne à s’en détacher, à apprécier la situation autant qu’elle l’appréciait. Mais elle savait que ce n’était pas évident du tout.

Elle passait donc de moins en moins de temps chez eux, mais ce n’était pas pour autant qu’elle n’y passait jamais du temps. En cet instant, elle se trouvait chez eux donc, alors que Gwendall était dans leur champ. Ce champ qu’il n’avait pas besoin de continuer à entretenir évidemment, mais allez donc le lui dire, il n’écouterait pas. Elle avait tenté de lui faire entendre raison, il n’en était rien. Elle était affairée à ses affaires, quand on frappa à la porte. Abygaëlle fut surprise, évidemment, parce qu’elle ne s’attendait pas à recevoir de la visite. Quand elle ouvrit la porte, ses yeux se posèrent sur un jeune homme qu’elle n’avait encore jamais rencontré. Ce dernier la salua, lui demandant rapidement si elle était Abygaëlle et ne manquant pas en prime de la dévisager de haut en bas. La femme fut particulièrement agacée par le comportement de cet inconnu, qu’elle trouvait vraiment déplacé.

« C’est bien moi. » Confirma-t-elle d’un ton qui n’avait pas grand-chose d’aimable. « Que voulez-vous ? » Demanda-t-elle sans même prendre la peine d’envisager de l’inviter chez lui.

S’il se trouvait là et qu’il lui demandait si elle était Abygaëlle, c’était que d’une part il la connaissait – et elle n’aimait pas ça d’ailleurs – mais également qu’il avait sans doute une raison de se retrouver là. Sans cela, il ne serait pas là. Sa curiosité prenait le pas sur l’animosité qu’elle pouvait ressentir en cet instant précis pour cet homme, elle avait envie de savoir pour quelle raison il se trouvait là. Même s’il y avait peu de chance que ça lui plaise, ne se rendant pas compte qu’elle avait en face d’elle une personne majeure de cette histoire.

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Messages : 5489 Date d'inscription : 15/01/2014

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A

bygaëlle n'avait pas forcément l'air bien aimable, mais le fugitif n'allait pas s'arrêter à cette simple considération, parce qu'il se outait bien que son interlocutrice était avant tout sur la réserve, et pour des raisons évidentes. Il se trouvait à l'heure actuelle face à une femme intriguée, qui était interpelée par son nom par un homme qu'elle ne connaissait ni d'Adam ni d'Eve, la mère d'Eleonore avait de quoi être intriguée, et plus qu'intriguée, même. Tant mieux, c'était bien le sentiment qu'il avait l'intention de lui communiquer à l'heure actuelle. Après avoir confirmé qu'elle était qui elle était (ce dont il n'avait pas douté, il lisait dans son visage et dans son regard quelques traits qui étaient totalement propres aux jumelles Odien et qui devaient forcément trahir leur lien de parenté, tout simplement). Nathaniel allait se faire un plaisir de lui répondre, et honnêtement tant qu'à faire, même s'il y avait certaines vérités qu'il se garderait bien, en revanche, de partager... pour des raisons parfaitement évidentes, au demeurant.

-Vous rencontrer, c'est tout, répondit-il avec le sourire tout en n'oubliant pas de la dévisager, toujours. Et oui, c'était la vérité, c'était la curiosité qui, avant tout autre chose, l'avait poussé à se rendre à la rencontre de son interlocutrice. Il voulait la connaître et la comprendre, c'était ce qui l'intéressait avant tout, pour la peine. J'ai beaucoup entendu parler de vous, j'avais hâte de vous voir en personne.

Abygaëlle Odien, la fameuse Abygaëllle Odien qui avait eu le "mérite" de mettre au monde Anna et Eleonore, forcément qu'il avait eu envie de la rencontrer en personne. Dans tous les cas, il était sûr de lui et de sn initiative, même si on pourrait aisément la considérer comme parfaitement suicidaire. Alors même si elle n'était pas forcément disposée à échanger plus avant avec lui, il ne lui laisserait tout simplement pas le choix. Il savait pertinemment que cette conversation pourrait mener nulle part, mais il savait aussi qu'elle pourrait avoir des conséquences autres... Pour peu qu'Abygaëlle résume cet entretien au roi... enfin, sait-on jamais. Il ne pouvait pas vraiment présumer des conséquences de cette situation, mais ce qui est certain, en revanche, c'était qu'il voulait qu'il y en est, justement.

-Je m'appelle Nathaniel, se contenta-t-il de se présenter, curieux de savoir si son interlocutrice ferait le lien ou non avec l'histoire de Féerie, curieux de savoir si Edgar l'avait évoqué auprès de cette femme.

Il y avait de fortes chances que non, à la vérité, mais il attendait de voir malgré tout. Il serait assez amusé de découvrir sa réaction si elle devinait qui il était. Difficile de savoir pour le moment, mais il se doutait bien qu'il aurait sa réponse très vite.

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Messages : 192 Date d'inscription : 05/06/2018

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Abygaëlle n'avait aucune idée de qui se trouvait devant ses yeux, et forcément la femme ne pouvait pas s'empêcher d’être sur ses gardes. Non pas qu'elle ait forcément des raisons de l’être, mais elle n’y pouvait rien. Cet homme semblait la connaître, mais de son côté la femme ne le connaissait pas du tout. Ou en tout cas, son visage ne lui disait rien du tout. Même si en un sens, Abygaëlle croisait quand même beaucoup plus de personne maintenant que sa fille était la princesse du royaume, elle ne pensait pas avoir déjà croisé ce jeune homme sous ses yeux. Alors que ce dernier la connaissait bel et bien. L'homme affirma qu’il voulait simplement la rencontrer, sans que Abygaëlle ne sache pourquoi évidemment. Il précisa d’ailleurs qu'il avait beaucoup entendu parler d’elle.

La femme était de plus en plus surprise par les propos de son interlocuteur. Elle ne savait toujours pas qui il était, et elle n'était pas plus avancé sur ce qu'il voulait. En plus, il précisait qu'il avait entendu parler d'elle sans que de son côté elle ne sache qui il était. On ne pouvait pas faire plus étrange. Finalement l'homme fini par se présenter et affirma donc qu'il était Nathaniel. Abygaëlle réfléchi un moment, se demandant si elle devait connaître cet homme ou non et il ne lui semblait pas que c'était le cas. Elle avait beau réfléchir, elle ne se rappelait pas d'avoir entendu parler d'un jeune homme du nom de Nathaniel.

« Je suis censé vous connaître ? » Demanda-t-elle alors, ne cherchant pas spécialement à se montrer agréable. Ce n'était pas contre lui réellement, mais elle avait du mal à savoir comment se comporter avec cet homme. « Qui vous a parlez de moi ? »

En un sens, il y avait plusieurs possibilité pour que cet homme puisse avoir entendu parler d'elle. Après tout Abygaëlle était quand même la mère de la nouvelle princesse du royaume et mine de rien ça l'avait fait monter en rang. Mais évidemment, la femme ne se doutait pas qu'il avait bien plus à faire avec son autre fille. Celle à qui elle pensait régulièrement bien sûr, mais qu'elle n'avait pas vu depuis un long moment maintenant.

Non elle ne se doutait de rien et elle se sentait perdue devant cet homme. En un sens ce n'était pas grand chose, mais elle était quand même perturbée de savoir que cet homme avait entendu parler d'elle, qu'il savait qui elle était sans que de son côté elle ait la moindre idée de qui il était. Ca n'était pas forcément grand chose, mais c'était quand même perturbant.

« Pourquoi voulez vous me rencontrer ? »

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Messages : 5489 Date d'inscription : 15/01/2014

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N

athaniel fut presque déçu, il est vrai, d'entendre, que son interlocutrice n'avait jamais entendu parler de lui, mais au final, ce n'était tout de même pas si surprenant. Même si la fragilité de cette dernière allait clairement se confirmer dans les temps à venir (c'était du moins l'intention du fugitif), la nécessité pour Edgar de garder ses secrets et de préserver les apparences allait jusque-là.. Il n'avait finalement dû parler de lui qu'au plus petit nombre, qu'à ceux qui le connaissaient déjà autrefois. Mais cela changerait, cela changerait forcément. Abygaëlle ne le connaissait pas encore, pour le moment, soit, mais ce n'était pas destiné à durer pour autant, bien au contraire. Elle allait très vite se rendre compte de l'importance qu'il devait jouer dans sa vie... De l'importance qu'il jouait déjà en gravitant autour d'Eleonore. Quoi qu'il en soit, il estimait que c'était une bonne chose que son nom ait été prononcé, et il espérait bien qu'elle s'en souviendrait et, qui sait, qu'elle déciderait d'en parler au roi en personne. ce dernier devait être assailli du témoignage de celles et ceux qui, d'une façon ou d'une autre, avaient croisé sa route et entendu son nom.

-Mais votre fille, bien sûr, répondit-elle dans un de ses si nombreux sourires quand elle lui demanda qui lui avait parlé d'elle.

Il ne lui précisa pas s'il s'agissait d'Anna ou d'Eleonore, il avait envie de laisser son imagination partir dans toutes les directions possibles. En tout cas, Nathaniel était vraiment enthousiasmé par cette rencontre et avait vraiment hâte de découvrir la réaction de madame Odien. Il avait l'intention de ne pas en louper une miette, c'est certain.

-J'avais simplement hâte de rencontrer la mère d'une des femmes les plus intéressantes qu'il m'ait été donné de côtoyer depuis bien longtemps.

Et ça se réduisait plus ou moins à cela, effectivement. Nathaniel n'avait pas de raison vraiment légitime de vouloir rencontrer son interlocutrice, ça se résumait très clairement à cela. Quand bien même il aurait été question de cela (et c'était peut-être un petit peu le cas), il n'aurait de toute évidence pas craché le morceau pour autant. Il ne cherchait qu'à intriguer, à tâter le terrain, tout simplement. Et donc, il avait simplement envie de jauger le caractère de son interlocutrice, et de déterminer, peut-être, aussi, dans une certaine mesure, de quelle façon il pourrait précisément l'exploiter. Tout restait à découvrir, et le personnage qu'était Abygaëlle Odien n'oubliait pas de l'intriguer. Il était vraiment curieux d'en découvrir plus en tous les cas. Oui, il avait été impatient de rencontrer cette femme. Et il attendait toujours de découvrir au mieux son interlocutrice, et sur ce point, tout restait à faire. Et c'était un des intérêts de la situation.

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Messages : 192 Date d'inscription : 05/06/2018

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Quand le jeune homme – qui s’appelait donc Nathaniel et qui semblait étonné qu’elle n’ait pas entendu parler d’elle – lui répondit pour lui préciser comment il avait entendu parler d’elle, ce fut comme si la réponse était si évidente. C’était sa fille qui lui avait parlé d’elle. Sérieusement ? Forcément, l’homme ne précisa pas de quelle fille il était question. Abygaëlle ne put s’empêcher d’avoir une pensée directe pour Anna, mais ça n’avait aucun sens. Du moins, elle avait quand même un peu de mal à imaginer sa fille, la princesse, passer du temps en compagnie de cet homme qui ne payait pas de mine du tout. Mais Eleonore aurait-elle pu parler d’elle ? Abygaëlle n’avait aucune idée d’où se trouvait sa fille et même si elle ne le montrait pas forcément, elle s’inquiétait pour elle, elle se demandait où elle se trouvait.

Est-ce que c’était Eleonore qui avait parlé d’elle à ce jeune homme donc ? Elle ne put s’empêcher de se dire ça, mais la femme ne savait pas vraiment si c’était une bonne chose, si même elle devait croire ça. Quand il reprit la parole, il lui affirma qu’il avait simplement envie de rencontrer la mère d’une des femmes les plus intéressantes qu’il ait rencontré. Il parlait réellement de Eleonore ? Abygaëlle ne pouvait pas s’empêcher de douter, elle ne savait pas du tout ce que ces mots signifiaient vraiment. Abygaëlle ne pourrait pas vraiment affirmer qu’elle était sûre et certaine que la femme la plus intéressante que ce Nathaniel ait rencontré puisse être Eleonore, quand bien même elle avait beaucoup de mal à imaginer Anna parler à quelqu’un comme lui. En tout cas, elle espérait vraiment que l’homme ne mentionnait pas la princesse… la situation n’était pas si évidente que cela, il ne fallait pas que Anna dévie trop du chemin. Et quelque chose lui disait que l’homme qu’elle avait sous les yeux n’était pas sur le « bon » chemin.

« Si on vous a tant parlé de moi, vous devez savoir que j’ai deux filles. » Dit-elle simplement, ne pouvant pas s’empêcher de se montrer quelque peu distante et méfiante. Elle ne connaissait rien de l’homme, elle ne connaissait pas son nom, elle ne savait pas qui il était. Autant dire qu’elle devait quand même se montrer sur ses gardes, c’était quelque chose qu’on apprenait vite par la force des choses. « Vous avez rencontré laquelle de mes filles ? »

Abygaëlle ne savait pas vraiment ce qu’elle avait envie d’entendre. Si elle apprenait que l’homme avait eu l’occasion de croiser Anna, ce n’était pas quelque chose qui allait la faire sauter de joie. Et si jamais il lui apprenait que c’était de Eleonore dont il était question, elle ne savait pas vraiment comment se positionner non plus. Parce qu’elle n’avait aucune nouvelle de sa fille depuis qu’elle avait quitté le château avant son mariage, qu’elle s’inquiétait beaucoup pour elle et qu’elle n’était pas sûre d’avoir envie d’apprendre qu’elle fréquentait ce genre de personne.

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Messages : 5489 Date d'inscription : 15/01/2014

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N

athaniel était loin de tout savoir de son interlocutrice, mais il estimait en savoir suffisamment pour bien vite lui faire comprendre qu'il en savait trop, et qu'il devrait peut-être se défier d'elle. Pas qu'il voulait se présenter en menace potentielle non plus, mais il trouvait cette situation beaucoup trop amusante pour ne pas en user et abuser au maximum. D'autant que cette femme lui fournissait clairement matière à entretenir le petit jeu dans lequel il voulait s'engager auprès de cette femme qui le rendait terriblement curieux. Et quand quelque chose ou quelqu'un le rendait curieux, il faisait tout pour assouvir cette curiosité, et généralement, il y parvenait sans franchement trop de mal.

-A vrai dire, j'ai ouïe dire que vous en aviez trois, observa-t-il avec un fin sourire.

Bon, peut-être que Victoria ne comptait pas, pour de multiples raisons, mais selon la thèse officielle, Victoria était toujours en vie, et même si Abygaëlle espérait peut-être le faire oublier, lui comptait bien lui rappeler l'existence de ce troisième enfant, sacrifié sur l'autel de la concupiscence et des manigances par trop cruelles de la famille royale. Alors, Nathaniel comptait bien mettre le doigt sur tout ce qui devrait être dissimulé, déterrer, au sens propre comme au figuré, tout ce qui l'avait été. Il adorait mettre son nez où il ne fallait pas, et il considérait que tout ce qui, d'office, n'avait pas l'air de le concerner, l'intéressait tout de même, d'une manière ou d'une autre, et le concernait bel et bien.

-Mais si j'ai eu l'immense honneur de rencontrer vos deux filles, celle que j'ai à l'esprit se nomme Eleonore. Il marqua une légère pause, une lueur amusée et malicieuse dans le regard. La vraie, bien sûr, pas celle que vous vous acharnez à faire passer pour elle, précisa-t-il, ravi de lui lacher une information dont il ne devrait pas connaître l'existence.

Il aurait pu s'épancher plus longuement sur sa rencontre avec Anna et sur ce qu'elle pensait d'elle, il se disait que cela ne plairait absolument pas à Abygaëlle, car il n'avait qu'une faible estime de la princesse, mais en même temps, son intention n'était pas de s'en faire une amie. Il aurait étgalement pu lui parler de sa rencontre avec Eleonore dans plus de détails, mais chaque chose en son temps. Pour l'heure, il se satisfaisait parfaitement de lâcher les informations au fur et à mesure. Il y avait des centaines de choses à dire sur les jumelles, sur la famille Odien en général, même. Et il adorait mettre son grain de sel dans leurs histoires. Il ne comptait pas se priver de poursuivre de le faire, mais pour le moment, il guettait tout simplement la réaction d'Abygaëlle, convaincu qu'elle vaudrait son pesant d'or.

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Messages : 192 Date d'inscription : 05/06/2018

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Quand le jeune homme reprit la parole pour lui affirmer qu’en réalité, il avait entendu dire qu’elle avait trois enfants, trois filles, Abygaëlle serra des dents dans le but de se retenir de dire quoi que ce soit. Évidemment qu’elle avait trois filles et jamais elle ne pourrait mettre Victoria de côté, quand bien même elle n’était pas réellement sa fille, elle l’avait élevé et aimé comme si elle était vraiment sa fille. Forcément, Abygaëlle n’avait pas envisagé une seule seconde que Nathaniel puisse avoir eu l’occasion de parler à Victoria, puisqu’elle était morte… même si c’était quelque chose qu’elle ne devait pas laisser paraitre, officiellement Victoria n’était pas morte, elle était encore en vie et elle vivait une vie idyllique de l’autre côté de l’océan.

Elle ne réagit donc pas et l’homme lui affirma ensuite qu’il avait eu l’honneur de voir ses deux filles. Vraiment ? Abygaëlle ne pouvait pas nier le fait qu’elle trouvait ça quand même un peu particulier, parce que ses deux filles n’avaient pas du tout la même vie. Dans quelles circonstances ce jeune homme avait-il eu l’occasion de voir ses deux filles. Dans tous les cas, celui qui trottait dans l’esprit de son interlocuteur maintenant, c’était donc Eleonore. Abygaëlle sentit son cœur se serrer en entendant le nom de sa fille, qu’elle n’avait pas eu l’occasion de voir depuis un moment maintenant. Sa fille dont elle n’avait aucune nouvelle. Elle ne savait même pas si elle était encore en vie, et elle découvrait qu’un jeune inconnu avait eu l’occasion de la voir. Ce même inconnu qui ne manquait pas d’en rajouter de plus belle en mentionnant le fait qu’il parlait de la vraie Eleonore et non pas celle qu’ils s’acharnaient à faire passer pour elle…

« Qui êtes-vous au juste ? Et que cherchez-vous ? »

Elle ne prit pas la peine de répondre à la remarque du jeune homme, en grande partie parce qu’elle n’avait pas spécialement d’idée de quoi répondre. Il lui faisait comprendre qu’il avait conscience que Anna se faisait passer pour Eleonore, qu’elle avait prit la place de sa sœur. Et que Eleonore, la vraie, était… elle ne savait pas réellement où en fait, mais quelque chose lui disait que l’homme sous ses yeux en savait bien plus qu’elle. Elle se demandait ce que cet homme cherchait, pourquoi il venait là, pourquoi il venait lui parler et ce qu’il espérait bien obtenir de cette discussion. Elle avait énormément de question, bien évidemment, Abygaëlle se demandait si cet homme savait où se trouvait sa fille, si elle allait bien, si elle se portait bien… comment ça se passait pour elle en ce moment. Elle ne devrait normalement pas se poser ce genre de question, elle devrait rester à sa place, mais en même temps elle ne pouvait pas s’en empêcher. Eleonore restait sa fille, même si elle avait pris des décisions qui ne lui plaisait pas du tout, elle l’aimait et elle se faisait énormément de souci pour elle.

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Messages : 5489 Date d'inscription : 15/01/2014

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A

bygaëlle ne chercha pas à nier ou à se défendre quand il lui parla du fait que l’une de ses deux filles se faisait passer pour l’autre. Elle avait raison, il était inutile de jouer la carte du déni ou du mensonge éhonté. Nathaniel savait, un point c’est tout, et il ne pouvait pas avoir appris cette information par hasard. Aussi, la question que cette femme décida de lui poser coula de source, et le fugitif s’y était largement attendu. Qui était-il ? C’était une question qu’il entendait souvent. Et pour cause, il faisait tout pour qu’on la lui pose, même si c’était prendre un risque très certainement inutile. A cette question, il ne lui serait pas difficile de répondre. En revanche, à la question « Que cherchez-vous »… C’était autre chose. Tout dans ce monde devrait être une question d’intérêt, mais Nathaniel n’avait jamais complètement procédé de cette manière. Il pourrait choisir de faire chanter cette femme, de la menacer, ou de lui faire des promesses qu’il ne tiendrait pas… Mais non, s’il était là, c’était par curiosité et par curiosité uniquement. Il s’interrogeait sur cette femme, sur son parcours, sur ce qui la liait au reste de sa famille. Après avoir fait la connaissance d’Anna, d’Eleonore (surtout d’Eleonore) et de Gwendall, ça semblait être dans la suite logique des choses, tout simplement. Une question après l’autre, il répondit à la première, sans langue de bois, et toujours son éternel sourire aux lèvres.

-Je m’appelle Nathaniel.

C’était un nom qu’il aimait prononcer, une identité qu’il aimait se réapproprier complètement. Evidemment, prononcer son nom à tout va, et en présence de personnes proches de la famille royale, c’était prendre un risque inutile. Mais le fugitif s’en fichait en réalité. Il n’était plus à un risque prêt, et il aimait beaucoup trop l’idée que son nom vienne aux oreilles d’Edgar, de toutes parts, de la part de toutes ses ouailles, qu’il le sache partout et nulle part à la fois, c’était une perspective excessivement plaisante. Et puis, il était curieux. Si Nathaniel avait entendu parler d’Abygaëlle, il se demandait si Abygaëlle avait pu entendre parler de lui… c’était loin d’être une perspective complètement improbable.

-Votre fille m’a libéré de prison, ajouta-t-il d’un ton léger, comme s’il ne faisait qu’évoquer le temps qu’il faisait. Et croyez-le ou non, je ne cherche rien de particulier. Juste à faire votre connaissance.

Et à se divertir, on ne va pas se le cacher. Surtout à se divertir, en réalité, car il n’avait aucune nécessité à se trouver ici. Au contraire, c’était plus dangereux qu’autre chose, et il le savait pertinemment. Si Nathaniel prenait la peine de se mettre ainsi en danger, c’est parce qu’il savait qu’il y aurait évidemment matière à s’en amuser, et il adorait cela. Nathaniel avait une façon bien à lui de se divertir. Et pour lui, la vie était aussi bien un jeu qu’un spectacle… un spectacle vivant, qui pouvait vous coûter plus qu’un simple sentiment de satisfaction personnelle, certes, mais qui ne manquait pas d’être divertissant.

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Messages : 192 Date d'inscription : 05/06/2018

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Nathaniel… Abygaëlle avait beau cherché, ce nom ne lui disait rien. Peut-être que ça devrait, peut-être que des bruits de couloir du château aurait dû la mettre sur la voix, mais Abygaëlle ne se rappelait pas d’avoir déjà entendu ce nom. Autant dire que si l’homme sous ses yeux lui donnait son nom, ça n’allait pas l’aider à savoir qui il était et surtout ce qu’il cherchait. Parce qu’au fond, qui il était c’était une chose, mais la femme voulait surtout savoir ce que cet individu cherchait au juste. Il venait ici, chez elle, lui affirmant qu’il avait eu loisir de croiser ses deux filles, mais surtout Eleonore. Alors que Abygaëlle n’avait plus aucune nouvelle de sa fille depuis qu’elle avait décidé de quitter le château avant ses noces avec le prince Gabriel, poussant Anna à prendre sa place. Elle ne savait pas du tout ce que Eleonore devenait – contrairement à son époux d’ailleurs –, et cet homme venait la voir pour lui dire qu’il avait eu l’occasion de la voir.

Quand ce Nathaniel, donc, reprit la parole en affirmant que sa fille l’avait libéré de prison, Abygaëlle sentit un frisson parcourir son échine. Elle se doutait bien que ce jeune homme sous ses yeux ne valait rien qui vaille mais là… elle sentit une angoisse la prendre. Définitivement, la femme ne comprenait vraiment rien de ce que cherchait le jeune homme sous yeux, qui se justifiait simplement en affirmant qu’il cherchait à la rencontrer, à faire sa connaissance. Mais ça ne pouvait pas être juste ça… pas venant d’une personne aillant quitter la prison, une personne libérée par Eleonore. L’une de ces personnes que Edgar mettait tout en œuvre pour retrouver, sans que Abygaëlle ne se doute encore qu’il était même la personne que le roi souhaitait le plus retrouver.

« Je ne pense pas avoir besoin de faire connaissance avec vous. » Répliqua-t-elle, bien plus mal à l’aise que précédemment. Parce qu’elle n’avait aucune envie qu’on comprenne que cet homme soit venu ici, même si elle ne se rendait pas compte encore de qui il était réellement. Elle savait quand même que cette visite pourrait avoir des conséquences, si on devait découvrir qu’il était là. Et forcément, la femme n’avait aucune envie que Anna se retrouve à payer des conséquences. « Cela dit, puisque vous semblez connaître ma fille… vous feriez bien de lui dire qu’elle devrait se rendre au roi avant qu’il ne la trouve… »

Parce qu’elle se disait que si elle décidait de revenir sur ses actes, de faire amande honorable, la jeune femme aurait plus de chance de s’en sortir que si c’était le roi lui-même qui tombait sur elle. Et forcément, Abygaëlle avait quand même envie que sa fille s’en sorte, qu’elle puisse arranger sa situation. Dans l’idéal, Abygaëlle aimerait vraiment que sa famille puisse retrouver un équilibre, qu’ils puissent se retrouver tous ensemble, se retrouver tout simplement… même si ce n’était pas évident, même si c’était peut-être utopiste au final.

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Messages : 5489 Date d'inscription : 15/01/2014

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O

h non, en effet, Abygaëlle n'avait en aucun cas besoin de faire connaissance avec lui, d'ailleurs, dans son propre intérêt, il serait plus raisonnable de sa part de fuir à toutes jambes et d'en savoir le moins possible le concernant, mais en l'occurrence, Nathaniel n'agissait absolument pas au regard de ce dont son interlocutrice pourrait bien avoir besoin - il s'en fichait même considérablement, comme c'était le cas pour beaucoup d'autres personnes. Non, il agissait en fonction de lui et de lui seul... et pas réellement parce qu'il en avait besoin une fois encore, juste parce qu'il en avait envie. Juste parce que, dans le fond, ça l'amusait. Oui, ça l'amusait même beaucoup trop.

Il envisagea de lui répondre quelque chose dans ce goût-là, mais son interlocutrice avait déjà repris la parole, affirmant que sa fille avait tout intérêt à retrouver le roi avant qu'il ne se charge de la trouver. Le sourire de Nathaniel s'agrandit. De toute évidence, ce cher Edgar avait parfaitement su laver le cerveau de la mère d'Eleonore. Il imaginait sans difficulté son "vieil ami" murmurer à l'oreille de cette femme que si Eleonore revenait, tout serait pardonner, qu'il se montrerait indulgent, qu'il ne voulait de mal à personne... c'était dans ses méthodes. Pour autant, le fugitif avait un doute. Cette femme croyait-elle vraiment en ce qu'elle disait ? Ou bien cherchait-elle simplement à s'en convaincre. La question se posait, très légitimement. Dans tous les cas, ce n'est pas pour autant que la réponse de Nathaniel varierait, et ce fut celle qu'il lui adressa finalement.

-Vous ne croyez tout de même pas que le roi laissera la vie sauve à Eleonore sous prétexte qu'elle sera revenue sagement quémander son pardon ? demanda Nathaniel d'un ton amusé.

Même si ça avait été le cas - mais Nathaniel n'y croyait définitivement pas, même pas une fraction de seconde -, il était certain que les choses ne pouvaient pas se passer ainsi. A quoi bon se soumettre à un roi dont la tête tomberait bientôt ? Pour Nathaniel, la question ne se posait pas : Eleonore était du côté des vainqueurs. Pour l'heure, cela ne se voyait pas vraiment, mais c'était le cas malgré tout. La confiance de Nathaniel était quoi qu'il en soit inébranlable. Et puis, aussi et surtout. Nathaniel refusait quoi qu'il en soit de laisser Eleonore lui échapper. C'était tout bonnement hors de question. Alors la question ne se posait pas en réalité.

-Vous savez pourquoi Edgar a envoyé votre fille sur l'île des soupirs ? La question était rhétorique, évidemment, il enchaîna immédiatement. Parce qu'il pensait qu'elle mourrait là-bas, comme tous les autres. Il pensait que je la tuerais.

Ce n'étaient que des suppositions, mais il en était pourtant absolument convaincu. Pas de chance pour Edgar, Nathaniel, il avait laissé la vie sauve à Eleonore, et bouleversé le cours des choses.

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La curiosité est un vilain défaut.

Abygaëlle aimerait être sûre et certaine que Edgar épargnerait sa fille si elle décidait de se rendre – ce qu’elle devrait déjà décider de faire, ce qui n’était pas dit non plus –, mais elle ne pouvait pas réellement le garantir… Elle avait envie de se convaincre que c’était possible, que Eleonore puisse s’en sortir. Sauf qu’au vu de la situation, c’était peu envisageable qu’elle puisse réellement s’en sortir. Abygaëlle avait envie de se dire que Edgar pouvait faire preuve de clémence, même si c’était peut-être trop demandé quand même. Cela dit, ils ne risquaient pas de le savoir si Eleonore ne prenait pas la peine de se rendre et de demander pardon.

La femme ne répondit rien à la remarque de son interlocuteur, il n’attendait sans doute pas vraiment de réponse de sa part non plus. L’homme se contentait juste de mettre en avant une « évidence », sans qu’elle n’ait besoin de dire quoi que ce soit. En même temps, elle devait bien avouer qu’elle s’épargnerait bien cette discussion. Dans tous les cas, l’homme reprit la parole en lui demandant si elle savait pourquoi Edgar avait envoyé sa fille sur l’île des soupirs. Encore une fois, Abygaëlle se doutait qu’elle n’avait pas forcément besoin de répondre à cette question et dans tous les cas, le fameux Nathaniel reprit la parole.

Elle sentit un long frisson parcourir son échine quand elle entendit l’homme affirmer que c’était dans l’espoir qu’il la tue, que Edgar pensait qu’il la tuerait et donc… comme tous les autres, elle serait morte sur cet île. Autant dire que c’était une manière de se débarrasser d’elle… Abygaëlle savait bien que quand Edgar avait décidé d’envoyer sa fille sur cet île, ce n’était pas dans le but de lui offrir une vie merveilleuse… mais entendre cet homme affirmer que c’était dans le but qu’il la tue, ça lui faisait vraiment du mal.

« Comment pouvez vous savoir ce qu’il cherchait à faire ? » D’accord, Abygaëlle décidait de jouer la carte de la naïveté.

En réalité, elle se doutait que l’homme sous ses yeux devait avoir raison, elle savait bien que le roi n’était pas un enfant de cœur et elle n’était pas sûr elle-même que ce dernier épargne sa fille si elle décidait de se rendre. Mais c’était quand même plus facile pour elle de se dire que l’homme sous ses yeux n’en savait rien. Ce qui était quand même probable, Abygaëlle ne connaissait rien de ce Nathaniel, mais s’il était en prison avant tout cela et qu’il était sorti grâce à sa fille, il ne devait quand même pas être capable de connaître vraiment les intentions du roi. L’homme ne prenait pas le temps de dire ce qu’il prévoyait à ses prisonniers après tout. Alors oui, elle décidait de ne pas prendre en compte les paroles de cet homme, même si c’était se mettre des œillères, même si elle savait bien au fond qu’elle ne devrait pas raisonner de cette manière.

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F

aire naître ne serait-ce que l'ombre d'un léger doute supplémentaire dans le regard et dans l'esprit de son interlocutrice procurerait d'ores et déjà une satisfaction certaine à Nathaniel, qui n'aimait rien plus (ou presque) que semer le doute dans les esprits. Surtout quand ces doutes ne sauraient bénéficier à Edgar. Il n'attendait pas grand-chose de cette femme, il voyait bien qu'elle était endoctrinée, totalement assujettie aux idéaux et aux préceptes de son roi. Mais il devinait aussi qu'il tenait à ses filles, y compris à Eleonore, et que l'idée qu'elle ait pu mourir, sur l'île des soupirs, s'il avait dû le décider, devait forcément se faire un chemin glacial et douloureux dans ses pensées. Nathaniel n'en demandait pas plus. Quand bien même la question que lui posa son interlocutrice était tout de même assez savoureuse à entendre, il ne pouvait pas dire le contraire.

-Je le connais par coeur, se contenta de répondre Nathaniel dans un fin sourire.

C'était du moins ce qu'il pensait. Ce n'était pas forcément vrai. C'était même très probablement faux. Nathaniel avait cru connaître Edgar par coeur, comme l'on pense connaître un frère, mais l'histoire avait prouvé que ce n'était pas tout à fait le cas. Dans le cas contraire, il aurait flairé la trahison à coup sûr, il aurait su à quoi s'attendre. Ca n'avait pas été le cas. Mais cette expérience, estimait-il, avait révélé de lui la dernière facette qu'il lui restait à connaître de l'homme qu'il considérait à présent comme son ennemi. Alors oui, même si c'était peut-être un postulat faussé par sa folie latente et des années passées à l'ombre, il considérait voir clair dans son jeu, dans ses plans (tout en espérant que l'inverse ne soit pas vrai - mais en même temps, la notion de plan était très relative chez le fugitif et très variable aussi). Même s'il ne fallait pas être l'homme le plus cultivé au monde pour savoir ce qu'Edgar avait voulu faire d'Eleonore quand on disposait de toutes les variables nécessaires. Ce qui était son cas.

-Aucun gardien n'a survécu plus de quelques semaines sur l'île, j'ai fait ce qu'il fallait pour ça, ajouta Nathaniel avec un sourire sybillin.

Alors envoyer un homme sur l'île des soupirs garder les prisonniers, c'était les envoyer à la mort, et Nathaniel n'avait connu aucun gardien qui n'ait mérité, quelque part, son sort... selon la logique du roi, du moins... mais pour autant, ils n'avaient jamais obtenu de lui un intérêt autre que motbide. Tuer ces gardiens n'avait jamais servi à le libérer, il avait fallu qu'il en laisse une en vie pour que le miracle opère. Comme quoi... En même temps, s'il n'avait pas tué tous les autres, son chemin n'aurait peut-être jamais croisé celui d'Eleonore. Heureux concours de circonstances.

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Abygaëlle avait conscience que Edgar n’était pas un enfant de cœur, après tout elle avait eu l’occasion de voir ce dont il était capable. Il avait caché Victoria dans leur famille et quand Anna avait été trouver le roi, il lui avait demandé de la tuer. Sans compter tout ce qu’il y avait autour, et tout ce que Abygaëlle ignorait du souverain. Elle savait bien qu’il n’était pas un enfant de cœur, mais elle se disait qu’il faisait ça pour le bien de tous… parce qu’il fallait bien que quelqu’un fasse quelque chose pour que le monde tourne un peu rond. Elle soutenait Edgar, elle avait l’intention de le soutenir, même si à cause de lui elle avait perdu deux de ses filles.

Mais les paroles de Nathaniel attisaient une curiosité qui devrait sans doute rester sans réponse. Comment pouvait-il être si sûr que cela que son désir avait été que Eleonore meurt sur cette île quand elle y avait été envoyée. Abygaëlle savait que c’était dans le but de la punir, elle n’était pas idiote, mais ce n’était pas comme si elle avait été prisonnière de cette île. Et pas comme si elle avait été condamnée à une mort certaine. Du moins, c’était ce qu’elle pensait, jusqu’à ce que le jeune homme sous ses yeux prenne la parole. Parce que l’homme affirma qu’aucun gardien n’avait survécu sur l’île, parce qu’il avait fait en sorte de s’en occuper. Abygaëlle comprenait parfaitement ce qu’il était en train de lui dire, Nathaniel ce jeune homme qu’elle ne connaissait pas du tout lui apprenait qu’il avait pris soin de tuer tous les gardiens envoyés par Edgar. C’était quelque chose que le roi devait forcément connaître. Est-ce que ça voulait vraiment dire qu’il avait envoyé Eleonore sur cette île dans le but de la voir mourir des mains de ce jeune homme ? Elle ne pouvait pas en être si sûre que ça, elle ne pouvait pas vraiment se permettre de se fier seulement à la parole d’une personne qu’elle ne connaissait pas. Mais en même temps, ce n’était pas non plus comme si elle pouvait juste ignorer ce qu’il lui disait. Elle aimerait bien, elle devrait le faire, mais elle en était tout simplement incapable.

« Et pourquoi vous ne lui avait pas réservé le même sort ? » Demanda-t-elle alors.

C’était bien beau de lui affirmer qu’il avait pris soin de tuer tous les gardiens envoyés par Edgar, mais si c’était le cas pourquoi ne l’avait-il pas fait avec sa fille ? Évidemment, Abygaëlle préférait largement ça, elle n’avait aucune envie de découvrir de la bouche de cet homme que sa fille était morte, mais ça ne lui expliquait quand même pas la situation. Dans tous les cas, Abygaëlle n’était clairement pas dans l’optique de faire confiance à cet homme sous ses yeux, surtout qu’elle ne connaissait absolument rien de lui. Mais l’idée que Edgar avait envoyé Eleonore sur cette île pour qu’elle meurt de la main de cette personne, ça avait le don de lui retourner l’estomac.

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Messages : 5489 Date d'inscription : 15/01/2014

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A

bygaëlle serait-elle capable de la croire ? Ca n'avait rien de certain, mais qu'elle veuille bien le croire ou non, il avait du moins réussi à capter son attention, et rien que pour cette raison, le fugitif était particulièrement fier de son effet, et il ne dissimulait rien du fond de sa pensée, son sourire parlait bien évidemment pour lui, comme à chaque fois (même si ses sourires n'étaient pas toujours les plus faciles à interpréter, il y veillait). Abygaëlle Odien n'était peut-être pas prête à entendre la vérité, mais malgré tout, elle tolérait de l'écouter. Alors, forcément, Nathaniel comptait bien s'en donner à coeur joie. D'autant qu'il se doutait que la réponse à la question qu'il venait de poser pourrait bien avoir le don de semer le doute dans l'esprit de cette femme assujettie à son pire ennemi. Et bien évidemment, rien ne saurait lui faire plus de plaisr. Ou presque.

-Votre fille est différente, répondit-il, avec aux lèvres un sourire mystérieux.

Il ne mentait pas, c'était effectivement ce qu'il pensait, ce qu'il avait pensé au moment de sa rencontre avec Eleonore, et ce qui avait justifié qu'il lui laisse la vie sauve quand il n'avait pas hésité à assassiner de sang froid toutes les personnes qui l'avaient précédée. Son histoire, les raisons de sa présence, l'avaient intrigué et convaincu de lui laisser un délai supplémentaire. Et ensuite, il avait été séduit, ne nous le cachons pas, par la malléabilité de la jeune femme. Il avait vu en elle la possibilité hautement séduisante de la façonner à son image, et bien évidemment, il n'y avait tout simplement pas résisté. Comment l'aurait-il pu.

-Elle a bien plus de valeur que nombre d'hommes et de femmes que j'ai eu l'occasion de rencontrer au cours de ma vie. Et elle ne m'a effectivement pas déçue.

En même temps, les critères de Nathaniel faisaient que la plupart des personnes qui croisaient sa route n'avaient à ses yeux qu'une valeur absolument moindre et sans importance à ses yeux. Au mieux était-ce un intérêt ponctuel qu'il voulait bien leur accorder. Eleonore avait su maintenir son intérêt sur le long terme, rien que pour cette raison, elle s'en sortait définitivement avec les honneurs, plus d'honneurs en tout cas que la plupart.

Dans tous les cas, Nathaniel se plaisait à laisser planer l'ambiguité, il savait bien que ses propos pourraient être interprétés de bien des manières possibles, plus encore par une mère à qui l'on parlerait en ces termes de sa fille proscrite, et il en jouait. Il comptait bien lui laisser envisager tous les scénarios possibles sans pour autant l'informer de ce qu'avait été réellement le fond de sa pensée (encore fallait-il qu'il le sache lui-même). Elle pouvait bien se figurer tous les scénarios du monde, après tout, c'était très précisément ce qu'il attendait d'elle.

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Abygaëlle ne savait vraiment pas quoi penser de toute cette discussion, de l’homme qui se trouvait sous ses yeux. Elle ne savait pas si elle pouvait réellement avoir confiance en ses propos à ce qu’il disait, à ce qu’il lui expliquait. Est-ce qu’il connaissait réellement Eleonore ? Est-ce qu’il lui avait réellement sauvé la vie comme il venait de le lui dire. Elle n’en savait rien, mais en même temps elle ne pouvait pas juste ignorer les paroles de l’homme. S’il disait la vérité, ça pouvait lui en apprendre beaucoup plus sur sa fille, sur comment elle allait, sur comment elle s’en sortait. Elle ne pouvait sans doute pas se raccrocher à un tel inconnu, mais en même temps elle ne pouvait pas juste l’ignorer non plus.

L’homme lui affirma que sa fille était différente, une simple réponse à sa question quand elle voulait savoir pourquoi la jeune femme n’avait pas subi le même sort que les autres gardiens qu’il prétendait avoir tué. Est-ce qu’elle pouvait le croire encore ? Évidemment, Abygaëlle ne pouvait pas du tout être sur de la situation, bien au contraire. Cela dit, l’homme ne se contenta pas seulement de cette réponse, il étoffa un peu plus ses propos en affirmant que Eleonore avait bien plus de valeur que de nombreux.ses hommes et femmes qu’il avait eu l’occasion de rencontrer dans sa vie. Encore une fois, c’était des paroles que Abygaëlle devait forcément mettre en suspens, qu’elle ne pouvait pas prendre au pied de la lettre. Apparemment, sa fille ne l’avait pas déçue donc, sans que la femme puisse réellement savoir ce qu’il entendait par là.

« En quoi ? » Demanda-t-elle alors. Elle n’avait pas réellement envie de le croire au fond, parce que ça devait remettre certaines choses en cause, certaines pensées qu’elle avait. Elle avait conscience que Edgar ne portait pas sa fille dans son cœur, qu’il avait eu envie de s’en débarrasser et que s’il devait la retrouver maintenant, elle en paierait les conséquences. Mais en même temps, se dire qu’il l’avait envoyé sur cette île pour qu’elle y meure de la main de ce jeune homme, c’était compliqué à gérer. « Que fait elle pour vous ? »

Elle n’était pas certaine d’avoir réellement envie d’avoir une réponse à cette question, cela dit elle ne pouvait pas s’empêcher de la poser. Elle avait envie de savoir ce que Eleonore faisait pour ce jeune homme, mais en même temps elle voulait s’assurer qu’il ne la dirigeait pas vers un sort… bien funeste. Même si en réalité, Abygaëlle se leurrait peut-être en s’imaginant qu’il n’était pas possible pour sa fille d’avoir un sort différent de funeste. Elle ne devrait pas avoir de l’espoir pour la jeune femme, mais en même temps elle n’avait aucune envie de s’imaginer que Eleonore allait simplement mourir. Même si elle savait bien que dans ce monde… il ne fallait pas avoir trop d’espoir malheureusement.

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E

n quoi Eleonore ne l'avait-elle pas déçu ? Il lui faudrait sans doute plusieurs heures pour répondre en détails à cette question tant il pouvait avoir de choses à dire à ce sujet (et tant il aimait les dégression). Il s'était fait d'elle une image singulière dès leur première rencontre. Il avait su qu'elle était différente, oui, mais il n'avait pas eu la moindre idée de la manière dont elle évoluerait. Même après tout ce temps de cavale, elle continuait de le surprendre, et son tempérament se révélait chaque jour un peu plus... Mais Abygaëlle, loin de même envisager que Nathaniel puisse évoquer simplement son caractère, car oui, c'était son caractère, sa nature profonde, qui avaient convaincu Nathaniel de ne pas la tuer, même visiblement, c'était une chose que Abygaëlle Odien n'était pas capable d'entendre. De même, quand elle demandait ce qu'elle faisait pour lui, elle ne semblait pas capable de comprendre quece n'était pas tant ce qu'elle était susceptible de faire pour lui que qui elle était qui le poussaient à la garder à ses côtés quoi qu'il advienne.

-Rien, pourquoi vous imaginer une chose pareille ? demanda Nathaniel en jouant les faux offusqués. Tout ce qu'Eleonore fait ou dit, c'est de son plein gré, je ne lui ai jamais demandé de faire quoi que ce soit pour moi.

C'était plus ou moins vrai. Il y avait bien eu l'une ou l'autre occasion où il lui avait demandé très directement certaines choses, mais la plupart du temps... il n'en avait pas eu besoin. Quand elle avait contribué à le libérer, il ne le lui avait pas demandé, quand elle avait choisi de le suivre, à aucun moment il ne l'avait demandé directement. Il préférait faire les choses de manière bien plus insidieuse. De même, Eleonore, à l'instar de Daphnée qui en avait pris son parti, était libre de partir quand elle le voulait... il ne la retiendrait pas. Il n'en avait aucune envie, mais il ne le ferait pas. Car c'était ce qui contribuait à la dynamique toxique de leur relation. Peu importe combien il pouvait lui arriver de le haïr, peu importe ce qu'il pouvait montrer de lui, elle restait auprès de lui quoi qu'il en soit. Et il adorait ça. Sans cette emprise qu'il avait sur elle, à quoi bon l'avoir à son côté.

-Contrairement à ce que vous avez l'air de penser, les rapports humains n'ont aucun besoin de dépendre d'une quelconque servilité. Eleonore a préféré rester auprès de ceux qui veulent lutter contre celui qui l'a envoyé à la mort sur une île hantée. Faut-il s'en étonner. J'ai toujours estimé que votre fille était exceptionnelle, et je n'ai pas été déçu car elle n'a cessé de m'en convaincre, c'est tout ce qu'il y a à comprendre.

Et s'il s'exprimait de la sorte, c'était pour laisser planer dans son discours toute l'ambiguité nécessaire

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Messages : 192 Date d'inscription : 05/06/2018

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Pourquoi est-ce qu’elle s’imaginait des choses pareilles ? Parce que le discours du « jeune » homme sous ses yeux l’invitait à le faire. Abygaëlle n’aimait pas du tout la manière dont il avait de parler de Eleonore et elle ne pouvait que considérer que c’était parce que ce « jeune » homme se trouvait là, qu’il était dans le sillage de sa fille qu’elle avait décidé de s’éloigner de sa famille. Nathaniel lui affirma qu’il ne lui avait jamais demandé de faire quoi que ce soit pour lui, mais encore une fois Abygaëlle ne se permettrait pas de croire les paroles de ce dernier. Elle se méfiait de lui comme de la peste tout simplement. Ce dernier précisa que les rapports humains n’avaient pas besoin d’une quelconque servilité, et que Eleonore avait tout simplement décidé d’elle-même e quitter sa famille afin de lutter contre ceux qui avaient décidé de l’envoyer à la mort.

Abygaëlle était mal à l’aise avec ça bien sûr, elle n’aimait pas se dire qu’elle avait été envoyée à la mort. Mais elle savait aussi que c’était une décision du roi parce qu’elle avait décidé de s’écarter du chemin. Abygaëlle n’avait aucune envie de perdre sa fille, mais elle ne pouvait pas faire autrement que de se ranger du côté de sa fille aussi… l’autre fille, celle qui était l’épouse de Gabriel à la place de sa sœur. Elle soutenait Edgar, c’était comme ça, le roi leur apportait une meilleure vie. Même si pour cela, elle devait renier en partie Eleonore. Cependant, elle ne pouvait pas s’empêcher de se dire que sa fille était tout simplement manipulée et elle se doutait que c’était par l’homme qui se trouvait sous ses yeux. Quoi que ce dernier dise, elle n’avait pas l’intention de prendre ses paroles en compte. L’homme mentait, c’était évident.

« Je n’ai pas besoin de vous pour savoir que ma fille est exceptionnelle. » Répliqua-t-elle en croisant les bras. Elle mentait un peu, elle devait bien le reconnaître. Elle aimait ses filles plus que tout et contrairement à ce qu’elle pouvait donner le sentiment, elle avait aimé Victoria autant qu’elle aimait Anna et Eleonore. « Je pense surtout que vous avez réussi à la manipuler pour en faire ce que vous vouliez. Si vous aviez un peu de décence, vous la laisseriez retrouver sa famille ! »

Il n’était pas certain que ça soit une bonne chose cela dit pour Eleonore qu’elle revienne auprès d’eux, puisque Edgar la recherchait. Mais Abygaëlle se disait qu’ils pourraient toujours envisager de convaincre le roi de lui pardonner, de trouver une solution pour lui permettre de retrouver sa place auprès d’eux. Pourquoi pas après tout ? Aurore pourrait peut-être faire ça pour elle. Mais pour cela, il faudrait déjà qu’ils parviennent à la trouver, à la convaincre de revenir auprès d’eux. Ce qui ne risquait pas d’être simple si jamais ce Nathaniel leur mettait des bâtons dans les roues comme il semblait si bien le faire.

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L

e sourire de Nathaniel se fit franchement cynique quand son interlocutrice affirma qu'elle n'avait besoin de personne pour savoir que sa fille était exceptionnelle. Le fugitif en doutait très franchement. Sa mère avait littéralement envoyé ses filles à la mort, toutes autant qu'elles étaient, Victoria et Eleonore c'est certain, mais Anna tout aussi sûrement, l'ancien prisonnier de l'île des Soupirs en était convaincu. Si c'était là sa manière d'aimer ses filles et de louer leur caractère exceptionnel, alors elle leur rendrait un plus fier service en ne les aimait pas, et en les considérant comme des moins que rien.

Dans tous les cas et même si ça devait être vrai, même s'il devait s'avérer vrai qu'Abygaëlle trouvait bel et bien Eleonore exceptionnelle, Nathaniel voulait bien parier que ce n'était pas le moins du monde pour les raisons qui la rendaient unique à ses yeux à lui. Et il n'avait pas franchement l'intention de débattre sur la question, au demeurant, loin de lui cette idée... Il ne tenait qu'à faire une chose ici, et c'était rendre chèvre son interlocutrice. Avec l'intuition qu'il ne se débrouillait pas trop mal de ce point de vue-là. En même temps, c'était un véritable don chez lui que de savoir agacer les autres, et il y prenait toujours un malin plaisir, duquel il ne se cachait pas le moins du monde.

Nathaniel continuait de sourire, sans chercher à donner raison ou tort à son interlocutrice (en fait, c'était davantage un subtil mélange des deux) quand cette dernière affirma qu'il manipulait Eleonore. Pouvait-il lui donner tort ? Pas vraiment. Eleonore n'était pas aussi manipulable qu'on pourrait bien le penser, mais elle l'était néanmoins, et Nathaniel adorait en jouer. Eleonore lui plairait cent fois moins s'il ne se savait pas capable de cette influence sur elle. Qu'il voulait soit perdre soit gagner selon les circonstances, sans jamais complètement se décider.

-Je ne rendrai pas Eleonore à sa famille. Contrairement à vous, je tiens à la garder en vie.

Ce qui était vrai, une fois de plus. A ces yeux, il relevait de la plus pure certitude qu'aucun retour n'était possible de la part d'Eleonore auprès des Odien, et ce même si elle devait en avoir l'envie (ce qui ne pouvait bien évidemment pas être le cas) : ils étaient sous l'influence certaine et totale de la famille royale, et ça ne changerait pas. Rendre Eleonore à ses parents, c'était s'assurer que dans la seconde, Edgar se débarrasserait d'elle, d'une manière bien moins douce et bien plus définitive qu'au moment de l'envoyer sur l'île des Soupirs.

-Si vous aviez un peu de décence, vous sauveriez ce qu'il vous reste de progéniture, mais je doute fort que vous en soyez capable.

Il était même certain du contraire.

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Abygaëlle n’y croyait évidemment pas quand elle affirmait à l’homme sous ses yeux qu’il devait rendre Eleonore à sa famille, elle savait bien que l’homme ne répondrait pas à cette attente. Et au fond, la femme savait bien que ce n’était pas forcément une bonne chose que Eleonore revienne dans sa famille. Elle lui manquait atrocement, mais elle ne savait que trop bien que sa vie était en danger et que si Edgar devait mettre la main sur elle, elle en paierait les conséquences. Ce qui pousserait à Abygaëlle de se détourner du roi ? Non… elle tenait à offrir à Anna le meilleur possible, même si son cœur de mère était coupé en deux.

Mais la remarque de l’homme ne lui plus pas du tout. Abygaëlle ne parvenait définitivement pas à cerner ce Nathaniel et elle ne supportait pas de l’entendre affirmer que contrairement à elle, il tenait à garder sa fille en vie. Elle se doutait que son interlocuteur cherchait surtout à la provoquer, ce qui marchait parfaitement d’ailleurs, mais ce n’était pas agréable du tout à entendre. Abygaëlle décida cependant de ne rien répondre, se contentant d’observer l’homme sans rien dire, gardant pour elle ce qu’elle pensait. Mais il ne se retenait pas d’insister, en reprenant ce qu’elle avait dit plus tôt pour retourner sa formule contre elle. Est-ce qu’elle était incapable de sauver ce qui lui restait de « progéniture » – cette façon de parler de ses filles était horrible ? Elle avait envie de dire que oui, malheureusement elle n’en étai pas si sûre que cela.

« Vous ne savez rien de ce que j’ai fait, vous ne pouvez pas vous permettre de juger mes actes. » Répliqua-t-elle, en aillant quand même conscience que sa répartie était un peu pauvre. Elle n’y pouvait rien, cet homme sous ses yeux la mettait mal à l’aise. Parce qu’il ne mettait que trop facilement en évidence ses faiblesses et le fait qu’elle ne pouvait pas sauver ses filles, le fait qu’elle se retrouvait à devoir faire des sacrifices horribles… Elle n’avait pas voulu tout cela, elle avait aimé Victoria comme sa fille et maintenant elle était morte. Eleonore allait très certainement suivre le même chemin et elle ne pouvait rien n’y faire. « Tout ce que j’ai fais dans ma vie, ça a été pour offrir une belle vie à mes filles. »

Le marché qu’elle avait passé avec Edgar à l’époque garantissant à Anna ou Eleonore de devenir l’épouse de Gabriel, c’était dans le but de leur permettre d’avoir une vie où elles ne manqueraient de rien. Et c’était ce qu’elles avaient eu pendant un temps, avant que tout cela ne parte en cacahuète. Abygaëlle savait bien qu’elle avait sa part de responsabilité, mais elle refusait de remettre en question ses choix. Elle avait fait de son mieux… Ce n’était pas de sa faute. Elle ne supporterait pas que tout cela soit de sa faute et elle tenait à ce que Anna puisse s’en sortir malgré tout.

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I

l y avait des mensonges dont il devenait facile de se convaincre à force de se les répéter, Nathaniel en savait quelque chose, il n'était pas le dernier à s'être essayé à l'exercice, et il savait que c'était définitivement un mal dont souffraient beaucoup de personnes en Féerie. Quand on vous façonnait dans un monde de mensonges, il devenait bien difficile d'en sortir. Il voulait bien croire, oui, que cette femme pensait sincèrement avoir agi dans l'intérêt de sa famille. Elle adoptait la méthode de ceux qui préféraient vivre dans l'illusion. Ils étaient légion.

Et après tout, ce n'était pas un discours différent de celui que lui avait également adressé Gwendall Odien (même si ce dernier lui était nettement moins sympathique, on ne va pas se mentir) quand il avait cherché à expliquer son comportement autrefois. Edgar était un homme persuasif, il avait sans doute trouvé les mots pour convaincre les parents d'Eleonore que ce qu'ils s'apprêtaient à faire était dans leur meilleur intérêt. On ne pouvait pas forcément les blâmer pour leur comportement de l'époque. Ce dont on devait les blâmer, en revanche, au nom du fugitif, c'était d'être demeuré sourds à l'évidence. Dès l'instant où leur famille avait commencé à se déliter, ils auraient dû se rebeller, se battre, faire marche arrière. Mais non, à la place, ils avaient préféré s'obstiner dans l'erreur la plus crasse. C'était inadmissible.

-Et de toute évidence, vous avez réussi. Vos filles transpirent la joie de vivre et la bonne humeur. Enfin, celles qui sont encore en vie, en tout cas. Il marqua une pause. Détrompez-vous, je sais très bien ce que vous avez fait. Je sais que vous avez marchandé l'avenir marital de votre fille contre la garde d'une gamine que vous avez laissé Anna assassiner à la demande d'Edgar. Je sais que vous avez laissé Eleonore prendre la fuite sans même chercher à la retrouver, je sais que vous participer à l'immense mascarade qui oblige votre seule fille encore en sécurité - encore que tout est relatif - à vivre sous une identité autre que la sienne. Il laissa passer un temps de silence. Je sais ce que c'est d'avoir des parents ingrats. Mes parents m'ont abandonné. Etonnamment, Abygaëlle était la première à qui Nathaniel racontait cette partie de son histoire depuis longtemps. Même si elle n'était pas totalement exacts. Mais je n'échangerais pour rien au monde son sort avec ceux de vos filles.

Elle devrait se chercher de fausses excuses pour garder une conscience immaculée, mais au fond, elle savait très bien ce qu'elle avait fait. Et si Nathaniel se savait nocif pour Eleonore (il ne se leurrait pas à ce sujet), il estimait malgré tout l'être encore moins que son interlocutrice, la propre mère de la jeune femme, ce qui, définitivement, voulait tout dire.

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Dès les premiers mots que ce Nathaniel prononça, Abygaëlle sut qu’elle n’allait pas du tout apprécier ce qu’il allait lui dire. Ce qu’elle voulait vraiment, c’était de protéger ses filles, tout ce qu’elle avait fait depuis le début de toutes ces histoires, c’était dans le but de leur offrir une belle vie, dans la possibilité qu’elles puissent quand même avoir tout ce qu’elles voulaient dans la vie. Mais… effectivement, « c’était une réussite ». Abygaëlle ne répondit rien quand l’homme affirma que ses filles transpiraient la joie de vivre et la bonne humeur, du moins pour celles qui étaient en vie. Abygaëlle n’aimait évidemment pas entendre ces mots, parce qu’au fond, elle avait surtout confiance que ce Nathaniel avait beaucoup trop raison en disant ça.

Et évidemment, ce Nathaniel ne manqua pas de continuer, non sans juger énormément les actes des Odien. Abygaëlle avait laissé mourir sa fille, une fille qu’elle avait marchandé contre la vie maritale de ses enfants, elle avait laissé Eleonore s’enfuir ensuite, et elle laissait maintenant Anna jouer le rôle de sa sœur parce qu’elle devait se faire passer pour elle. Forcément, quand les choses étaient dites comme cela, la situation donnait l’air d’être encore pire que ce qu’elle était et pourtant… elle l’était déjà extrêmement atroce. Mais c’était beaucoup plus facile de garder les œillères et de ne pas voir la situation comme elle était réellement, de se dire qu’en soit ce n’était pas si « pire » que ça. Mais forcément, en entendant les mots prononcés par Nathaniel, c’était bien différents et ça la forçait à voir les choses telles qu’elles étaient réellement. Même si ça n’avait rien d’agréable et qu’Abygaëlle préférait largement se voiler la face. Surtout que l’homme ne se montrait pas forcément tendre. Il lui affirma qu’il avait été abandonné par ses parents, mais qu’il n’aurait échangé pour rien au monde son sort contre celui de ses filles… c’était difficile à entendre tout de même.

« Tout ça n’est qu’une vision externe de la situation… » Répondit-elle, comme pour se défendre mais en même temps Abygaëlle savait bien que ça ne serait pas bien utile malheureusement. Quoi qu’elle décidait de dire, elle ne serait pas défendable, puisque la situation actuelle était indéfendable. Et en soit, il était aussi évident que la femme n’avait pas de raison de défendre sa position vis-à-vis de cet homme, qui était recherché par les gardes royaux, qui entrainaient sa fille elle ne savait où. Elle ne devrait pas se donner la peine de se justifier auprès de cet homme donc, même s’il était évident qu’elle se sentait dans l’obligation de le faire… au vu de sa situation. « Je ne suis pas responsable des décisions de mes filles malheureusement. » Avec son époux ils avaient pris des décisions, mais ils n’avaient pas eu la possibilité d’anticiper les décisions d’Eleonore et d’Anna. « Je n’aurais pas pu prendre le risque de rechercher Eleonore, et elle a pris elle-même le risque de s’enfuir. Si elle n’était pas parti, j’aurais pu la protéger. »

Et le pire dans tout cela, c’était que Abygaëlle croyait réellement les mots qu’elle était en train de prononcer.

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Messages : 5489 Date d'inscription : 15/01/2014

La curiosité est un vilain défaut

L

a réflexion d'Abygaëlle tira à Nathaniel l'un de ses éternels sourires, peut-être parmi les plus moqueurs qu'il avait en réserve. Il n'avait pointé que des faits qui étaient incontestables, il n'avait pas détourné la réalité, il ne l'avait pas arrangée à sa sauce, il s'était contenté d'exposer les faits bruts, et ces derniers incriminaient bien assez les parents Odien pour que toute tentative de s'en défendre soit immédiatement considérée comme vaine. Et en effet, il estimait absolument vain, voire absurde, que de ne pas accepter cette réalité.

Il adoptait un point de vue extérieur sur la situation, lui faisait-elle remarquer, et c'était tout à fait vrai, en effet (encore que, par la force des choses, le point de vue qu'il adoptait était forcément subjectif, puisqu'il était impliqué dans cette histoire en se sentant impliqué dans tout ce qui pouvait concerner, de près ou de loin, Eleonore), mais dans ce genre de circonstances, il estimait justement que c'était les points de vue extérieurs qui devaient être pris en compte, bien plus que ceux, forcément biaisés, d'une actrice directe de la situation, qui n'était à l'évidence pas capable de prendre la distance nécessaire sur la situation pour comprendre une bonne fois pour toutes à quel point elle était en tort dans ces circonstances - et pourtant, ça ne faisait à ses yeux aucun doute : oui, elle était en tort, et ce du début à la fin, sans hésitation. Ceci dit, il trouvait amusant de la voir s'enfoncer dans son erreur. Les trésors de mauvaise foi que certains étaient capables de déployer quand ils étaient mis au pied du mur ! C'était toujours particulièrement agréable à constater, à dire vrai.

-Vos filles sont encore des enfants, bien sûr que vous avez la responsabilité de leurs choix, répliqua-t-il très sérieusement.

Et c'était le cas. Bien sûr, Anna et Eleonore, du haut de leurs presque dix-huit ans, n'étaient pas exactement des gamines, contrairement à Victoria, qui en était définitivement une au moment de sa mort, et elles avaient dû grandir trop vite, mais elles n'en étaient pas moins des enfant, trop jeunes pour prendre leurs propres décisions.

-Et vous auriez pu prendre le risque de chercher Eleonore, vous n'avez pas voulu prendre ce risque, c'est très différent. Ceci dit, vous n'auriez certainement pas pu la protéger mieux en la laissant épouser le prince... si vous estimez qu'Anna est protégée à l'heure actuelle, il est évident que vous êtes bien naïve. Mais je ne vous tiens pas pour quelqu'un de naïve, non. Il marqua une pause. La vérité, c'est que les erreurs que vous avez commises il y a des années de cela sont irrépérables, aujourd'hui, vous observez le long déclin que vous avez provoqué il y a tant d'années, et vous essayez de vous convaincre que ce déclin n'est pas si terrible, alors que vous êtes en train de tout perdre.

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Messages : 192 Date d'inscription : 05/06/2018

La curiosité est un vilain défaut.

Abygaëlle n’avait aucune envie que ce jeune homme sorti de nulle part lui fasse à ce point la morale sur ce qu’elle avait fait dans sa vie, surtout quand c’était pour pointer du doigt les nombreuses erreurs qu’elle avait commises. En effet, elle avait pris décision à une époque et elle s’en mordait les doigts à présent, sans pour autant accepter que cela soit de sa responsabilité. Et évidemment ce Nathaniel ne manquait pas de la contredire, comme elle ne le voulait pas.

Ses filles se retrouvaient à grandir trop vite d’un coup avec ces histoires, mais en vérité en effet, elles n’étaient encore que des enfants qui se retrouvaient confronté à des choses dont elles n’avaient pas été prête à subir. Tout cela parce qu’ils avaient pris des décisions autrefois. Abygaëlle fronça des sourcils en entendant son interlocuteur affirmer qu’elle était naïve si elle pensait que Anna était en sécurité au château, même si ce Nathaniel ajouta qu’il ne la prenait pas pour naïve. Abygaëlle ne comprenait pas du tout l’homme qui se trouvait sous ses yeux, elle n’aimait pas la manière dont il remettait en cause ce qu’ils avaient décidé autrefois, la manière dont il lui parlait. Il ne savait rien de tout cela, et pourtant il se permettait d’avoir un avis sur tout, comme s’il avait le droit de mettre son nez dans ses affaires.

Abygaëlle n’avait aucune envie de prendre en considération les paroles de ce jeune homme, surtout alors qu’il la mettait en garde sur le fait qu’elle était en train de tout perdre, en cherchant à se convaincre que ce n’était pas le cas. La mauvaise foi était grande en effet, mais Abygaëlle n’avait pas l’intention de reconnaître que ce Nathaniel puisse avoir raison.

« La vérité, c’est que vous parlez beaucoup trop pour ne rien dire. » Abygaëlle était vexée par toutes les paroles de son interlocuteur, qui remettait en cause ce qu’ils avaient fait. À raison, bien sûr, mais il était hors de question pour elle d’accepter que cet homme puisse avoir raison, d’accepter le fait qu’elle était en train de tout perdre. Abygaëlle avait conscience qu’elle n’avait plus réellement les rênes en main, qu’elle ne pouvait pas tout contrôler, même si son but était quand même de tenter de sauver un peu les meubles. Anna n’était sans doute pas entièrement en sécurité auprès du roi, mais en même temps il valait mieux être proche de lui que contre lui. La situation était entre les mains de Anna, si elle agissait comme il le fallait, elle pourrait sortir les cartes de son jeu. Et Abygaëlle allait l’aider de son mieux. « Et la vérité c’est aussi que vous avez votre avis sur une situation qui ne vous concerne pas. Je ne sais pas ce que vous attendez de Eleonore, mais vous devriez la laisser tranquille et ne pas l’entrainer je ne sais où. Laissez notre famille tranquille. »

S’ils étaient encore une famille ? Abygaëlle cherchait à se voiler la face, mais au fond elle savait bien qu’elle se trompait.

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Messages : 5489 Date d'inscription : 15/01/2014

La curiosité est un vilain défaut

C

e fut un des sempiternels sourires de Nathaniel qui accueillit la réflexion de son interlocutrice quand cette dernière lui fit remarquer qu'il parlait définitivement pour ne rien dire. Ce n'était définitivement pas lui qui se permettrait de la contredire sur ce point, à la différence près que quand on lui assénait ce genre de réflexions comme si c'était un tort, le fugitif, de son côté, y voyait un véritable compliment, ni plus ni moins. Oui, il était honnêtement ravi que l'on souligne la compétence qu'il avait de parler pour ne rien dire... encore qu'il estimait que la moindre de ses paroles avaient du sens et de l'intérêt - mais il s'accommodait du fait que tout le monde ne l'entende pas de cette oreille, et c'était aussi une chose qui lui plaisait, comme il prenait depuis toujours un malin plaisir à agacer son prochain, et sans jamais, bien sûr, envisager de s'en excuser : certainement pas.

-Je vous remercie, répondit-il simplement à cette remarque, dans l'intention d'agacer encore davantage son interlocutrice, cela va bien évidemment sans dire.

Elle avait aussi raison quant au fait qu'il donnait en l'occurrence son avis sur une situation qui ne le concernait pas. Enfin, cette partie-là était techniquement vraie, mais Nathaniel serait capable de la contredire malgré tout s'il s'en donnait la peine : car il était question d'Eleonore, et puisqu'il était question d'Eleonore, Nathaniel estimait que cette situation le concernait au plus haut point, bien au contraire, et qu'il avait bien évidemment son mot à dire sur la question. Ceci dit, il n'attendait pas d'être réellement concerné pour mettre son grain de sel partout où il le souhaitait : c'était, pour ainsi dire, sa spécialité, et il y prenait bien trop de plaisir pour y changer quoi que ce soit, c'est une certitude. D'autant que voir à quel point sa présence était désagréable à Abygaëlle était une forme de plaisir incommensurable pour lui.

-Pour que je laisse vraiment cette famille tranquille, il faudrait que vous en ayez encore une, mais en ce qui vous concerne, je ne saurais même pas par où commencer... Par votre fille fugitive ? Votre autre fille soumise aux caprices d'un roi qui l'utilise comme un pion sur son échiquier politique ? Votre mari abandonniste ? Oh, et mieux vaut ne même pas parler de Victoria..., reprit-il d'un ton ce qu'il y a de plus éloquent.

Son but, bien sûr, était de le faire sortir de ses gonds, et il avait le sentiment que ça pouvait être si facile quand il était question d'elle ! En toute logique, il lui était difficile, pour ne pas dire impossible, d'y résister... Est-ce qu'on pourrait le blamer pour ça ? Oui, sans doute. Mais lui, en attendant, s'amusait véritablement comme un petit fou, et il n'était pas question pour lui de s'arrêter en si bon chemin.

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